Aujourd’hui, faisons place à un classique du cinéma français: Le Pacha de Georges Lautner, sorti en 1968. Sur le papier, l’œuvre réunit du lourd mais tient-elle ses promesses? En plus de son célèbre réalisateur, on compte, en effet, Jean Gabin dans le rôle principal, accompagné de Dany Carrel ou Robert Dalban. Le scénario est co-écrit par nul autre que les légendaires Michel Audiard et Albert Simonin.
Georges Lautner a réalisé de nombreux classiques du cinéma hexagonales. Dans les années 60 il collabore régulièrement avec Audiard et Simonin, notamment sur les Les Barbouzes (1964), Ne Nous Fâchons Pas (1966, sans Simonin), La Grande Sauterelle (1967, sans Simonin) et bien sûr Les Tontons Flingueurs en 1963. Le metteur en scène rebondira aussi plus tard en travaillant avec Belmondo sur ses films les plus populaires (Le Guignolo, Le Professionnel ou Flic ou Voyou).
Avec une équipe proche des Tontons Flingueurs (Lautner, Audiard, Simenon), il serait facile d’imaginer un film dans le même esprit: polar avec des éléments de comédies. Pourtant Le Pacha , en plus de la couleur, évolue dans un registre différent, bien plus sérieux. Il y a quelques punchlines bien senties évidemment (le fameux les cons sur orbite) mais le propos est ici moins humoristique. Nous suivons les péripéties du commissaire Joss dit Le Pacha (Jean Gabin) au prise avec un braquage très violent. Il évolue alors dans les milieux interlopes, du Paris de la fin des années 60. Cela occasionne quelques scènes mémorables. Parmi celles-ci, nous retrouvons un jeune Gainsbourg dans son milieu naturel (le studio) ou une scène gentiment psychédélique au bar Le Hippie’s. Des moments précieux !
Le Pacha utilise fort bien la couleur. Celle-ci est vibrante. Son usage ne se fait pas au détriment du soin des plans ou de la lumière. Pour ma part, j’ai vraiment apprécié esthétiquement ce film. L’ensemble est élégant et crédible. Lautner a fait appel à un casting impressionnant de têtes du cinéma français, des seconds rôles qui donnent ici leur pleine mesure. Gabin se débrouille comme chef avec les répliques d’Audiard: dans sa bouche, on mange ses mots. Peut-être que la relation entre Dany Carrel et Robert Dalban manque d’un peu de vraisemblance mais cela n’entache pas le déroulement général de l’histoire.
Le scénario est mené tambour battant dès la première scène, très efficace et marquante. Le Pacha ne prend guère de détours inutiles. J’aurais d’ailleurs peut-être aimé que le rôle d’Emile Le Génois (André Weber) soit un peu mieux amené dans l’histoire, afin de rendre la conclusion du film encore plus sanglante. La musique de Serge Gainsbourg et Michel Colombier mérite aussi notre attention. Nous y retrouvons le célèbre (et génial) Requiem Pour Un Con. La chanson constitue un véritable filigrane rouge du film, déclinée dans de nombreuses variations. La bande originale est ainsi relativement dépouillée mais fonctionne très bien.
Le Pacha est un polar rugueux qui tient toutes ses promesses. Presque soixante ans plus tard, le film de Lautner est encore très efficace. Certes, certaines situations ou dialogues appartiennent aux années 60 mais il y a dans cette vengeance quelque chose de jubilatoire qui fonctionne encore très bien en 2025.
note personnelle: 4,5/5