La fin des années 90 et le début de la décennie suivante constitue une période faste pour les compilations, en particulier en format CD. J’ai du acheter The Freakbeat Scene au milieu des années 2000, en compact, sur amazon ! Elle fait parti d’une série de neuf compilations éditées par Decca/Deram entre 1998 et 1999. Chaque volume explore un genre musical du catalogue du vénérable label anglais. Northern Soul, Mod, R&B, Rock N Roll, psyché ou Beat: beaucoup de genres, présents au Royaume Uni, dans les années 60, sont ainsi représentés ! Certains volumes de cette série ont marqué durablement mes goûts musicaux et j’y reviens régulièrement avec plaisir.
Le terme freakbeat est peut être un mystère pour vous, il l’était pour moi quand j’ai commencé à creuser les années 60. Sur le papier le genre me faisait rêver: on me promettait un mélange entre les agressions pop-art des Who et un psychédélisme sauvage. Dans les faits, en dehors de la Nuggets 2, mes premières tentatives furent un peu décevantes. Je me procurais quelques volumes d’une série américaine dédiée au genre. Point de feedack, point de psychédélisme, point de folie, plus que de freakbeat: ces compilations regroupaient des productions british r&b obscures. The Freakbeat Scene m’a totalement réconcilié avec la définition. Elle reste à ce jour une de mes compilations préférées dans ce registre précis.
Le freakbeat est, il faut le dire, une invention de collectionneurs. Comme le punk KBD ou le garage-rock, le freakbeat permet de cerner l’éphémère transition entre musique beat et psychédélisme, en particulier son versant le plus électrique et indomptable. D’une certaine manière, le freakbeat est ainsi un équivalent britannique du garage nord américain. Selon la légende, le terme a été créé par Phil Smee ! Celui-ci est également connu pour avoir travaillé sur le logo de Motörhead ou compilé la mythique série Rubble.
Cela tombe bien, Phil Smee est l’un des deux compilateurs de The Freakbeat Scene ! Il s’occupe également des visuels de la série. John Reed l’accompagne. Ce dernier a également conçu d’excellentes compilations pour Castle par la suite. Decca ne s’est pas foutu de notre tronche et a sorti de véritables experts sur le sujet !
En 25 morceaux, The Freakbeat Scene offre un véritable feu d’artifice pour les amateurs de rock sixties ! Que du lourd, du culte et souvent du génial. Deux des propositions ne sont pas britanniques. The Human Instinct nous viennent de Nouvelle-Zélande, tandis que les Sea-Ders (les Cèdres) sont du Liban. Les premiers proposent un très bon morceau de beat musclé, quasi hard rock, tandis que les deuxièmes naviguent vers un psychédélisme aux oripeaux orientaux. À l’inverse des Human Instinct parti à Londres voir si l’herbe était plus verte que dans leur île, The Blue Stars eux ont changé de continent ! Ils pratique un R&B musclé et morveux.
Bien qu’absents, les Beatles sont à l’honneur. Deux groupes les reprennent. The Score ouvre le bal avec une impressionnante reprise de Please Please Me. Celle-ci cite satisfaction et offre une suite à taxman. Elle nous plonge tout de suite dans l’ambiance et met la compilation dans une excellente dynamique. En parlant de Taxman… C’est précisément le morceau reprise par les Loose Ends dans une bonne version. L’orgue hammond apporte à l’ensemble une agréable touche groovy. D’autres groupes s’attaquent à des standards sixties. The Flies fulminent sur une ré-interprétation très réussie de I’m Not Your Stepping Stone (The Monkees, Paul Revere and The Raiders, The Liverpool Five ). Keith Shields s’attaque lui à Hey Gyp de Donovan.
Vous croiserez peu de noms connus sur The Freakbeat Scene. Il y a cependant une très bonne contribution des Small Faces (Understanding) et une interessante curiosité de Marc Bolan avant qu’il ne rejoignent les mythiques John’s Children (The Third Degree). D’autres groupes comprennent des musiciens qui auront un certain succès par la suite. Un certain Chris Squire (Yes) participe à The Syn (l’excellente Grounded). Ron Wood (Rolling Stones) fait lui ses armes dans le mythique groupe The Birds (No Good Without You). Avant de rejoindre la mythique formation, il passe également par The Creation. Cela tombe bien ! Ces derniers sont présents avec leur précédent groupe: The Mark Four (la mythique I’m Leaving).
Parmi les temps forts de la compilation figure certainement Come On Back de Paul and Ritchie and the Crying Shames. Produit par Joe Meek, le morceau est bestial malgré son tempo modéré. Si les New Breed n’ont enregistré qu’un unique 45 tours, sa face B, unto us est une petite bombe R&B avec une guitare diabolique ! Father’s Name was Dad des Fire est une petite perle mod presque powerpop ! Elle en donne pour son argent aux amateurs de The Move. Les accents folk-rock (douze-cordes) de Poor Little Heartbreaker des Timebox (futur Patto) offrent une certaine fraicheur en fin de parcours !
En 25 morceaux, The Freakbeat Scene offre une généreuse évocation de ce moment unique dans la musique britannique. Quand les Who, les Yardbirds ou Cream régnaient sur les ondes, nombreux furent les aspirants-rockeurs à faire de la musique beat une douce folie. Ces raretés valent plus que leur statut de curiosité, ce sont de véritables artefacts de la culture rock britannique des années 60. The Freakbeat Scene, en plus d’être excellente musicalement, offre un son parfait ! Assez rare (pour une compilation sixties), même de nos jours.
note personnelle: 4,5/5
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