OPINION: Les nouvelles du front (Spotify, Pitchfork, Suno)

De temps en temps, je fais un suivi de sujets déjà abordés à d’autres occasions. Voici donc les nouvelles du front concernant Spotify, Pitchfork et Suno. Je n’ai jamais évoqué ces derniers mais ils résonnent complètement avec les autres sujets et plus généralement les questions autour de l’Intelligence Artificielle.

Pas de festival P4RK à Chicago pour les 20 ans

Le festival Pitchfork de Chicago a lâché l’affaire et disparaît presque dans l’indifférence générale. Le site WBEZ revient dessus avec son fondateur Mike Reed. Cet article est vraiment aussi éclairant que déprimant sur le contexte général.

L’avenir des festivals est une question sérieuse. Ces événements se trouvent aujourd’hui, comme la presse musicale d’ailleurs, au milieu d’une bataille qu’ils ne souhaitaient pas forcément mener. Sans résumer tout le papier (vraiment intéressant), tout le monde peut constater l’inflation des coûts pour monter un festival. Cette inflation passe par les raisons classiques (coûts de l’énergie, des transports etc.) mais aussi, plus spécifiquement, la montée des tarifs pour les têtes d’affiche.

Le texte explique ainsi qu’il était possible d’avoir des têtes d’affiche pour 10 ou 20 000$ il y a une dizaine d’années ! Des tarifs qui en font désormais rêver plus d’un programmateur. Pourquoi cette inflation ? Car les disques ne vendent plus évidemment. On en revient toujours à ça: le modèle du streaming rapporte des cacahouètes et ce n’est pas prêt de changer (on y revient en dessous). Les labels soutenaient par le passé leurs poulains en tournée pour promouvoir les disques (qui se vendaient). Ces mêmes disques rapportaient aussi plus d’argents aux groupes. Bref, les labels ne mettent plus d’argent dans les tournées et les groupes ont besoin de récupérer plus: ça douille !

Les premières victimes sont comme d’habitude: les choix de programmation les plus osés et donc les plus personnels/intéressants. Bref le streaming n’aide pas à la diversité musicale. On le savait déjà mais une raison de plus de s’en passer.

Spotify dans les nouvelles: toujours aussi déplaisant

Spotify a trouvé le moyen de se faire encore remarquer à deux occasions ces derniers jours. Le Monde évoque un livre qui confirme ce que l’on pensait: Spotify cherche à placer de la musique générée par IA dans ses playlists les plus populaires afin de réduire les droits que la plateforme reverse aux labels et artistes.

Bref on atteint encore un degré de mesquinerie supplémentaire ! Spotify est vraiment un acteur hostile pour le monde de la musique, chaque intervention de leur part va dans le même sens: celui de démolir les musiciens. Encore une des ces nouvelles déprimantes! Elle va de paire avec la précédente sur le festival Pitchfork.

Autre info notable: Spotify a fait un don de 150 000 $ à l’investiture de Trump (les Inrocks). Faire des dons est une pratique assez courante: réseaux sociaux en ont fait de même. Reste que Spotify n’est pas une société comme une autre. Elle est régulièrement déficitaire et se sert de cet argument pour verser le moins possible aux musiciens. Dans ce contexte, on peut s’interroger (et s’étonner) d’une telle opération. Au fond cela confirme ce que nous savons déjà: Spotify en a strictement rien à foutre de la musique qui n’est qu’un véhicule pour son application/écosystème.

Suno : une certaine idée de l’enfer ?

Finissons ces nouvelles en beauté. Le patron de Suno (un certain Mikey Shulman) a annoncé dans une interview que le processus de création musicale traditionnelle n’était pas agréable et que devenir un bon musicien prenait trop de temps. Toujours selon lui: la majorité des gens pratiquent la musique sans plaisir la plupart du temps. Pour en savoir plus: cet article par exemple.

Au delà du fait, que l’effort et la pratique font aussi parti du plaisir d’une passion/hobby, la musique est avant tout un reflet de l’âme. Sonner bien c’est cool mais c’est encore mieux si cela dit quelque chose ! Sans paraphraser mon article récent sur l’IA (inarrêtable Apathie) mais j’ai vraiment du mal à trouver de l’intérêt à écouter une production conçue par une machine plutôt qu’un humain. Je pense que le processus d’itération, le cheminement, font parti aussi du résultat.

L’humain effectue toujours des choix, pas toujours les bons d’ailleurs et ça ne le rend que plus intéressant. Je suis sensible au génie humain, je m’en fous de ce qu’une machine est capable de produire comme art. Evidemment on se doute que les productions Suno vont à leur tour garnir Spotify et consort alors que la quantité de sorties est déjà irrationnelle.

Conclusions (pour le moment)

J’aimerai être optimiste mais pour le moment je trouve quand même la situation déconcertante.

Si on résume ces nouvelles:

  • l’un des plus gros acteurs du streaming fait la pression pour encore baisser ce qu’il donne aux musiciens et file du blé à Trump en parallèle
  • il utilise l’IA dans ses playlists et des acteurs se proposent de générer de la musique pour vous plutôt que de passer par le cheminement de la création
  • les musiciens tentent de se rattraper avec les concerts, notamment en festival, mais contribuent à réduire la diversité de l’offre en augmentant leurs cachets
  • cette diversité est noyée dans un océan de morceaux créés par des IA.

Le tableau n’est pas joyeux non ? Et quelles solutions ? Développer un nouvel écosystème underground y compris pour le streaming ? Cela semble difficile à mettre en œuvre (mais ça serait bien). Toutes les suggestions sont bonnes à prendre ! En tout cas on peut refuser collectivement d’aller vers ça (car c’est nous en définitive qui choisissons d’accepter ou non ces orientations) mais sommes nous assez nombreux à nous en inquiéter pour que cela ait un quelconque poids ? Rien n’est moins sûr. C’est peut être ça le plus déprimant.

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