Jean Terrell n’est peut être pas la membre des Supremes la plus connue mais n’en fut pas moins déméritante. À la fin des années 60, Berry Gordy la repère à un concert en Floride où elle chante avec son frère Ernie (qui a boxé contre Muhammad Ali!). Il cherche alors une remplaçante à Diana Ross qui a des velléités de carrière solo. Jean Terrell la remplace ainsi début 1970 en tant que chanteuse principale du trio au coté de Mary Wilson et Cindy Birdsong.
La chanteuse participe à une demi-douzaine (huit pour être précis) d’albums entre 1970 et 1972 dont trois en collaboration avec les Four Tops ! Sans Holland-Dozier-Holland ou une équipe de choc façon Whitfield/Strong, le groupe s’en sort cependant bien et continu de faire quelques tubes mémorables tels que Up the Ladder to the Roof ou Stoned Love. Après le départ de Jean Terrell, les Supremes sortent encore trois albums, à redécouvrir, entre 1975 et 1976. De son coté Jean Terrell entame une carrière solo.
Cette carrière sera malheureusement de courte durée. La chanteuse ne sort qu’un unique album en 1978, I Had To Fall in Love sur A&M. La promotion est expédiée, en partie à cause de Jean Terrell elle même pour des raisons religieuses ! L’album ne manque pourtant pas de qualités et aurait certaine mérité un meilleur destin.
Typique de la production de la deuxième moitié des seventies, l’album oscille entre ballades sweet soul, midtempo funky et morceaux disco. Le 33 tours excelle particulièrement dans la deuxième catégorie. Trois chansons se dégagent ainsi de l’ensemble. Don’t Stop Reaching for the Top est un solide morceau funk au tempo modéré. La voix riche de Terrell y fait merveille. Le refrain amène un twist dramatique à l’ensemble. How Can You (live without love) est une autre pépite. La chanson convoque les productions des Emotions ou Cheryl Lynn de la même période. Le groove est en place et offre un parfait support pour des mélodies accrocheuses tirant sur le yacht rock. Enfin il y a un chef d’oeuvre: la version originale de Rising Cost of Love. Le morceau justifie à lui seul, selon moi, l’achat du disque ! Reprise plusieurs fois (Loose Change, Millie Jackson, Cut Glass…), seule la version disco d’Elkie Brooks peut lui faire de l’ombre. L’originale est un enchantement de modern soul/AOR, aux arrangements délicieusement dosés et à la production, de Bobby Martin, au cordeau. En plus de Martin, le duo Grey & Hanks co-signe ce fabuleux morceau. No Limit a aussi son charme.
S’il n’est pas toujours aussi intense que sur Rising Cost of Love, I had to fall in love de Jean Terrell est solide album de soul 70s. Il fonctionne très bien sur la durée et offre une expérience d’écoute agréable. Rien de gênant vient perturber le séquençage et quelques moments sont particulièrement mémorables et brillants.
note personnelle: 4/5