En lisant l’excellent article de Rebecca Jennings pour Vox (There’s something off about this year’s “fall vibes”), j’ai eu moi même envie de revenir sur le sujet de l’IA (intelligence artificielle) après mes trois précédents tests (1, 2 et 3).
Ecrit le 21 novembre dernier, j’ai ajouté un paragraphe le 6 janvier (IA et Instagram).
la thèse de l’article de vox autour de l’IA
Sans paraphraser l’article, celui évoque des fermes à contenu pour générer du clique, en particulier sur des réseaux sociaux où la viralité est la norme. L’IA devient ainsi une nouvelle image d’Epinal prêt à conquérir le monde depuis des pays à bas salaire. Cette viralité (bien boostée par les algorithmes) n’est pas arrêter par les facebook et consort: elle est même encouragée. Se développe ainsi un monde où plus personne ne cherche à réellement distinguer la réalité.
Une Inarrêtable Apathie
Pour moi c’est un des plus gros risque de l’IA (en dehors de la consommation d’énergie et les deep fakes pour humilier/coincer des gens et particulièrement des femmes – comme le souligne l’article): est-ce que ça a un quelconque intérêt de valoriser/apprécier une œuvre générée par une IA ? Pas le moins du monde. Bien sûr l’IA peut être un outil au service de la création mais force est de constater que c’est devenu un moyen facile de fournir du contenu et espérer qu’il devienne viral. Ce contenu rentre surtout en concurrence avec des œuvres créées par de véritables humains, leur donnant encore moins la possibilité d’en faire quelque chose (en vivre, reconnaissance etc.).
L’art est un trait de l’humanité
Bon il n’est pas question ici de faire une dissert’ de philosophie pour le bac (ça existe encore d’ailleurs?) mais de simplement rappeler que l’art est intéressant car il émane de l’humain. L’intéressant dans un disque, une peinture, un film, un livre etc. réside dans sa capacité à transcender et ouvrir les possibilités pour nous autres camarades. Le génie émane de l’humanité, pas d’une machine. Une machine se contente de réciter, réarranger, répéter mais n’amène pas la nouveauté, la surprise. Même le hasard est généralement codifié dans une machine ! Notre capacité à la sérendipité ou à absorber l’énergie contemporaine sont des forces vitales.
Je n’ai pas envie d’écouter des disques générés par l’IA
Nous sommes submergés de nouveautés (Trop de Musique?). Le 17 novembre dernier, le site Consequence titrait ainsi qu’il y a désormais plus de musique en une journée publiée que pendant toute l’année 1989 ! Je trouve personnellement cette information plutôt déprimante. En plus de cette quantité phénoménale de musique humaine doit on s’ajouter la peine d’écouter et de donner un regard sur une musique qui ne soit pas l’œuvre d’une personne ? Grosse grosse flemme !
L’IA peut être un outil artistique mais c’est souvent moche
Attention, je ne dis pas qu’il faille interdire l’IA, y compris dans le cadre de la création. Je pense que cela peut être aussi une possibilité dans une panoplie d’outils comme peuvent l’être par exemple le sampling ou le collage.
Entrer un prompt et laisser la machine mouliner un truc n’est pas une démarche artistique. Il n’y a pas d’acte/volonté derrière. Il manque la conscience humaine. On pourrait pousser la réflexion en faisant des prompts sortis d’une IA des ready made à la manière de Marcel Duchamp. Personnellement ça ne m’intéresse pas mais pourquoi pas ? Cependant, les images IA ont souvent un rendu caricatural qui les rendent particulièrement anodines et inintéressantes. Elles manquent de perspective et d’un regard, tout simplement. La machine ne fait que digérer et régurgiter ce dont on l’a gavée. Sa vision est donc irrémédiablement dans le passé et stéréotypée. Elle ne peut pas commenter le présent ou imaginer le futur.
L’IA est un lent poison
Il ne s’agit pas d’être alarmiste ou de vouloir interdire la machine à vapeur. L’IA peut potentiellement apporter des choses bénéfiques à l’humanité mais on ne peut se passer de l’économie d’une réflexion autour de ce médium. Il y a une réelle possibilité de se perdre et de se dissoudre dans un océan de banalités générées par des machines. Après avoir écrit cet article, je suis tombé sur ce tweet (sur X/Twitter bien sûr) qui résume à mon avis un des gros problèmes de l’IA: le rendu n’a souvent aucun intérêt. Je trouve que cette anecdote résonne particulièrement bien avec le propos de ce papier !
Des interactions avec des IA plutôt que des humaines (Instagram/fb)
Meta (Instagram + Facebook) a annoncé la possibilité de créer des profils IA sur les réseaux. l’info est sortie un peu partout dans la presse (par ici par exemple). On peut supposer que la démarche a pour but de valoriser les utilisateurs humains et de les retenir d’avantage sur leurs plateformes.
La question reste la même que pour l’artistique: quel est l’intérêt d’être apprécié par une intelligence artificielle et non un véritable humain ? Je suis vraiment circonspect à nouveau sur la démarche. Celle-ci s’apparente à une dystopie déprimante. Les tenants complotistes de la dead internet theory (wikipidia) ont même de quoi jubiler tant la pratique tend à rejoindre leur fiction.
Je serai quand même curieux de voir ce qu’en pense les marques ? On entend qu’avoir des humains qui restent sur la plateforme puisse avoir un intérêt pour Meta, mais les annonceurs ou ceux qui financent les influenceurs sont-ils du même avis ? Cela risque juste de fausser les chiffres et les rendre complètement inopérants.
En tout cas cette nouvelle me glace le sang et j’ai vraiment du mal à comprendre ce qui pousse des sociétés à penser que c’est une bonne idée ?
Comment y répondre ?
Ce n’est pas perdu. Déjouons les probabilités, accueillons l’erreur et trollons les machines ! En septembre dernier j’évoquais ici même à quel point le site google ne fonctionnait plus aussi bien qu’avant (L’internet d’avant ne reviendra pas). Si le moteur de recherche est aujourd’hui de moins en moins pertinent c’est aussi parce que les humains ont créer des recettes pour déjouer les algorithmes de la machine et rendre leur manière de ranger les sites largement archaïques. il est tout à fait possible d’alimenter les IA avec du contenu peu qualitatif les rendant moins opérantes. Il y a quelques mois la presse évoquait par exemple le cas d’AI Overviews (l’IA de Google) qui utilisait des réponses troll Reddit au premier degré (article BFM) à des questions concernant le fromage sur la pizza ou un chien jouant dans les ligues sportives nord-américaines (article). Il est donc tout à fait envisageable de pourrir les réponses des IA. Alors oui il y aura certainement plus de contrôle pour les alimenter en amont et améliorer la fiabilité mais l’écrit reste suffisamment complexe pour qu’un humain ne puisse pas toujours percevoir une blague, alors comment la machine va s’en sortir et démêler le vrai du faux ? Sans compter les coûts de devoir trier plus finement!
J’ai choisi d’illustrer cet article avec une photo de cassette audio trouvée sur la page Demo de Wikipedia. Je vous laisse aussi apprécier le résultat d’un prompt pour essayer d’obtenir un visuel de K7 ci-dessous. Vous voyez où je veux en venir ?