Joe, C’est aussi L’Amérique (1970) est un film de John G. Avildsen avec un scénario de Norman Wexler. Le premier réalisera par la suite Rocky (1976) ou Karaté Kid (1984). Le scénariste sera, quant à lui, nommé dans la catégorie idoine aux Oscars de 1971 pour Joe. Par la suite il travaillera sur plusieurs classiques des années 70: Serpico (1973) ou La Fièvre du Samedi Soir (1977). Côté acteurs, dans ce drame nous retrouvons notamment Susan Sarandon (Melissa Compton), Dennis Patrick (Bill Compton) et surtout Peter Boyle, qui tient le rôle principal (Joe Curran).
Joe est initialement une production à petit budget (106 000$ de l’époque, environ 2 millions actuel) de la compagnie Cannon Group. Cette société est alors spécialisée dans l’import de films érotiques suédois doublés pour le marché américain. Elle développe aussi des films propres avec des petites enveloppes (moins de 300 000$). Nous retrouvons là, quelques caractéristiques typiques de la période fin 60s et 70s: les marchés de niche (d’exploitation), les sujets vendeurs (le sexe, l’horrifique, drogue la violence etc.) et les prises de risques commerciales. Permis par l’abandon du code Hays, les adolescents voient débarquer des films aux sujets controversés ou scandaleux. Joe, C’est ça l’Amérique s’inscrit alors totalement dans l’esprit du Nouvel Hollywood qui verra l’émergence et le succès de gens comme Roger Corman, Dennis Hopper, Brian De Palma (Phantom of the Paradise), John Cassavetes, Francis Ford Coppola, Romero et tant d’autres.
Si Joe n’est pas un film très connu en France, son succès aux Etats Unis fut très important, le film engrangeant presque 20 millions de dollars aux Etats Unis et au Canada. Il faut dire que le film d’Avildsen présente une vision de l’Amérique particulièrement brutale et furieuse. Le film passe en revu la face sombre des Etats Unis du début des années 70: meurtres, intolérance, drogues, violence, sexe etc. Irrigué par la contre-culture des hippies, Joe est un affrontement haineux entre l’ancien et le nouveau monde.
Sans dévoiler toute l’intrigue, voici quelques éléments pour situer l’histoire. Melissa Compton est en couple avec un dealer. Elle fait une overdose qui conduit son père, à tuer son petit ami. Bill Compton, issu d’une classe sociale aisée, rencontre dans un bar, le véhément Joe Curran, ouvrier et prolétaire. Les deux se lient autour d’une étrange amitié, mêlée de fascination et rejet. Melissa Compton fugue quand elle découvre que son amoureux est mort. Les deux hommes se mettent alors en quête de la retrouver. Cela les conduit dans les milieux fréquentés par les jeunes (et la contre-culture) et surtout vers un destin inexorable.
Nous passons en revu l’éventail des peurs du début des années 70 à travers les yeux de ceux qui représentent l’autorité et la norme. Dans sa seconde moitié, Joe évoque une version maléfique de l’excellent Taking Off (1971) de Milos Forman. On pense aussi parfois à Psych Out (1967) produit par AIP (c’est à dire Roger Corman). Si le réalisateur tchèque pose un regard bienveillant sur les parents et leurs relations avec leurs enfants, Avildsen prend une voie beaucoup plus agressive et virulente. Nous sommes dans un monde désespéré, sans rédemption possible. C’est là, pour moi, que Joe est aussi un excellent exemple du Nouvel Hollywood. En plus de ses thématiques adultes, le film propose une vision particulièrement pessimiste, de son époque. Progressivement, Joe met en place une tragédie dont on sait l’issu inéluctable.
Le film souffre certainement de défauts. En plus du coté petit budget, il y a des scènes un peu gratuites, surtout là pour émoustiller les sens de la jeunesse. Parfois je trouve aussi que Joe a quelques problèmes de rythmes mais j’ai quand même été saisi par la puissance et la cruauté du film. Sans prétendre au statut de classique, Joe est ainsi plus qu’une curiosité et mérite un visionnage pour les plus aguerris d’entre vous. Pour ma part j’ai vraiment été estomaqué par sa conclusion.
note personnelle: 4/5