Souvent considéré comme un musicien apprécié des musiciens, chanteur méconnu de la scène britannique des années 70, Jess Roden aligne un beau CV. Passé par Bronco, Butts Band (avec des membres des Doors !) mais aussi les mythiques modernistes The Alan Bown (il chante sur Emergency 999), il publie trois albums en solo entre 1974 et 1980 et 4 albums (dont deux live) avec son groupe (le Jess Roden Band).

Dès son premier tour de chant en solitaire, Jess Roden (1974), le Britannique marque un grand coup. Il s’inscrit pleinement dans la lignée des grands chanteurs blue eyed soul de la même période, notamment Reg King (The Action), Joe Cocker, Boz Scaggs, Robert Palmer ou Elkie Brooks. En partie produit à la Nouvelle Orléans avec Allen Toussaint et les Meters au complet (Art Neville, George Porter Jr. , Leo Nocentelli, Ziggy Modeliste), ce premier album fait aussi écho à l’excellent groupe Little Feat.
Porté par une écriture qualitative, les 8, parfois 9 (ajout d’Under Suspicion à la fin de la face A) forment un ensemble cohérent et gracieux. La voix de Jess Roden y fait merveille, que ce soit dans un registre funk rustique (les excellentes Trouble In The Mind ou Reason to Change) ou plus travaillé (I’m On Your Side). Jess Roden s’autorise même une reprise osée de On Broadway le classique doo-wop des Crystals/Drifters. Démarrant son chant après plus d’une minute instrumentale, cette version coule comme du miel dans les oreilles. Ses arrangements (flûte jazzy, percussions, basse sinueuse, cordes) sont d’une classe folle et en surprendront plus d’un !
La face B donne aussi à Jess Roden, l’occasion de dévoiler de nombreux aspects de son talent. Sur la superbe Ferry Cross, le chanteur se met presque à nu et joue de presque tous les instruments (basse, batterie, guitare), juste accompagné de Richard “Diga” Smith au piano/orgue, pour un morceau funky brut et poignant. What The Hell imagine quant à elle la rencontre entre le folk britannique la soul nord-américaine. Le morceau laisse à nouveau pantois sur le talent du chanteur. Elle offre aussi une conclusion somptueuse à un album qui ne l’est pas moins.
L’expression trésor caché est bien souvent galvaudée. Pour une fois nous allons nous même en faire usage: ce premier album de Jess Roden en est un ! Bien sûr la musique du Britannique ne parlera pas à tout le monde. Cependant, si vous êtes sensibles, aux années 70, à la soul, au blues, au funk, et plus généralement les musiques roots, donnez une chance à ce magnifique album, d’une honnêteté et justesse rare.
note personnelle: 4,5/5
