Peut-on marquer l’histoire de la musique avec un seul 45 tours ? À cette question cruciale, MARRS répond par l’affirmative. Cette éphémère collaboration entre deux groupes de rock indépendants créé un des premiers tubes de la house music en Europe. Plus qu’une curiosité, ce disque est un petit morceau d’histoire de la musique pop.
MARRS est l’acronyme des 5 musiciens impliqués dans ce projet. D’un coté nous trouvons Martyn et Steven Young de Colourbox; de l’autre il y a Alex Ayuli et Rudy Tambala d’AR Kane ainsi que leurs collaborateur Russell Smith. Tout ce beau monde est à l’époque en rapport avec le mythique label de rock indépendant 4AD (The Pixies, Dead Can Dance, Cocteau Twins, Clan of Xymox etc.). En plus des 5 membres officiels, CJ Mackintosh et Dave Dorrell interviendront pour ajouter des scratches.
Ivo Watts-Russell, patron (fondateur) de 4AD, est un peu le point de rencontre de tout ce beau monde. S’il n’intervient pas musicalement sur le disque il est à l’origine de la rencontre des deux groupes et donc de l’aventure MARRS. Colourbox est, à l’époque, une formation du roster de 4AD. De son coté, AR Kane est en discussion avec le label indépendant britannique, ce qui fâche leur précédent label, One Little Indian. De ce fait AR Kane ne fera qu’un EP chez 4AD en plus de MARRS avant d’atterrir chez Rough Trade.
Les deux groupes expriment à Ivo Watts-Russell leur envie de s’essayer à l’acid house. Nous sommes en 1987 au tout début du succès commercial européen de la house music. Il n’y a eu alors que quelques tubes en Angleterre tels que Jack Your Body de Steve Silk Hurley ou Love Can’t Turn Around de Farley “Jackmaster” Funk. Colourbox et AR Kane n’arrivent cependant pas à travailler ensemble. L’approche des premiers est plus pop et efficace, tandis que les seconds se focalisent d’avantage sur les textures sonores. Au final, chacun ne fera que contribuer très modestement (une guitare par-ci, un pattern par là) au morceau de l’autre groupe.
MARRS n’est certes pas une véritable collaboration mais de cette mésentente va néanmoins naître un des tous premiers hits fabriqués en Europe de la musique house. Sorti en août 1987, le remix de la face A Pump Up The Volume est un énorme tube dans les clubs et fait une entrée fracassante dans les charts. Numéro 1 en Angleterre, Italie ou aux Pays Bas, la chanson est aussi dans le top 10 de nombreux autres pays: France, Belgique, Espagne ou Allemagne. Le morceau proposé par Colourbox est un collage de samples, évoquant autant Coldcut que les medley de musique sixties en vogue à l’époque. Sur un beat binaire et une ligne de basse classique, le groupe déroule des échantillons d’artistes comme the Bar Kays, Public Enemy, Eric B & Rakim, Graham Central Station ou Tom Browne. Le morceau ouvre la voie à une palanquée de tubes house tels que Theme from S’express de S’express.
En face B, les membres d’AR Kane partent dans une direction très différente. Anitina est un titre de pop noisy tirant vers le shoegaze avec de la boîte à rythme. Nous y retrouvons très bien la personnalité du mythique duo. La chanson est lascive et se fracasse sur un mur de guitare. Les auditeurs ayant achetés le disque pour Pump Up The Volume ont du être sacrément surpris !
Sur ce 45 tours de MARRS, les deux faces, bien que très différentes, sont dignes d’intérêt. Elles captent très bien l’esprit du temps de 1987 et le champ des possibles ouvert par l’apparition de la house. Pump Up The Volume a certainement plus vieillit qu’Anitina mais sans elle, ce disque ne serait qu’une goutte d’eau dans la mer des disques de rock indépendant des années 80. Anitina, de son coté, démontre l’élégance et la singularité d’un groupe comme AR Kane que trop sous-estimé.
Si le morceau est un énorme succès commercial, il va avoir de drôles de répercussions. AR Kane ne fera qu’un seul EP avec 4AD tandis que Colourbox arrêtera sa collaboration avec Ivo Watts-Russell. Le groupe souhaitait en effet que la chanson paraisse sous leur propre nom. Il est difficile de totalement leur en vouloir, tant ce succès est avant tout celui des frères Young. Reste ce disque mémorable !
Pour aller plus loin:
la page de Pump Up The Volume sur Wikipedia
celle de MARRS
2 thoughts on “45 tours: MARRS “Pump Up The Volume” (4AD, 1987)”