Avant les années 60, il y eut les années 50. Au delà la tautologie de cette affirmation, poussons un peu plus loin la réflexion. Que serait les Beatles, les Beach Boys sans les années 50 ? S’il est coutume d’évoquer les pionniers Rock & Roll (Buddy Holly et Chuck Berry par exemple) ou les débuts de la Motown, il ne faudrait pas trop vite oublier le doo-wop.
Puisant ses racines dans le rhythm & blues (dont il ne se distingue pas toujours) mais aussi le gospel et les ensembles vocaux barbershop, le doo-wop marque profondément les années 50 mais disparaît très subitement au début de la décennie suivante, à l’arrivée de la british invasion notamment. Si 1963 marque vraiment un coup d’arrêt brutal du doo-wop, il est plus difficile de retracer les débuts. Le genre se fixe certainement au milieu des années 50 mais prend racine dans les années 40 avec des ensembles vocaux R&B tels que les Ink Spots ou les Mills Brothers. Suivent les groupes aux noms d’oiseaux, parmi lesquels: The Orioles, The Robins, The Pinguins, The Flamingos ou The Cardinals.
Le doo-wop prend alors son nom à travers les onomatopées omniprésentes dans cette musique. En effet les formations sont généralement constitués de plusieurs chanteurs se partageant les registrent vocaux (contre-ténor, ténor, baryton, basse, et parfois falsetto). Habituées à chanter et répéter dans la rue, les formations développent un style a cappella assez unique et percussifs. Pour les labels indépendants, le doo-wop est une chance. Facile à enregistrer avec peu de moyens (formation assez resserrée autour de guitare/basse/batterie), sa popularité permet à de nombreuses compagnies de disques de prospérer.
Musicalement, le doo-wop semble avoir une appétence pour les années 30. De nombreux groupes piochent dans le répertoire de cette décennie. D’ailleurs trois morceaux de cette sélection sont des reprises de classiques de cette période. En plus des chansons, le doo-wop tire aussi de l’entre deux guerres, la fameuse 50s progression. Celle-ci est constitué des accords I-vi-IV-V. Chaque chiffre correspond à une position de l’accord dans la gamme, les majuscules pour les accords majeurs et les minuscules pour les accords mineurs. Le premier accord est dit de tonique tandis que le quatrième et cinquièmes se nomment respectivement la sous dominante et la dominante. On retrouve ainsi ce type de progression sur de nombreux classiques doo-wop tels que Earth Angel, Who Put the Bomp, Runaround Sue, ou encore Why do Fools fall in Love.
Le doo-wop est aussi une musique des outsiders et des milieux populaires. Les formations sont en effet souvent issues des quartiers afro-américains ou italiens. Les uns sont à quelques rues des autres. Les patrons, plutôt de la classe moyenne, sont eux parfois juifs (voir cet article wikipedia). Ces différentes communautés ont en commun de ne pas faire parti des élites politiques et économiques d’un pays dominé par les WASP. Certains établissent d’ailleurs un parallèle entre le doo-wop et le hip hop: ces deux expressions ont connu un fort développement à travers l’utilisation importante de la rue comme lieu d’expression (répétition et concert en extérieur).
Dès la fin des années 60, le doo-wop inspire des groupes comme Sha-Na-Na ou Flash Cadillac and the Continentals. Dans la première moitié des années 70, le doo-wop connaît ainsi une vague de nostalgie, à travers le cinéma ou la télévision. American Graffiti (1973) de George Lucas utilise ainsi le rock & roll et le doo-wop en toile de fond de son film sur le passage à l’âge adulte tandis que Phantom of the Paradise (1974) de Brian De Palma s’ouvre sur un hommage à Dion and The Belmonts ou les 4 Seasons. Ce nouvel engouement se traduira également à travers la série Happy Mondays mais la musique de la période originale, années 50 et début 60 reste magique comme vous le verrez à travers les morceaux ci-dessous !
photo: The Cadillacs.
01 – The Cadillacs “Speedo” (1955)
The Cadillacs étaient un groupe de doo-wop originaire de Harlem (New York) actif entre 1953 et 1962. Speedo est leur chanson la plus connue et un classique du genre.
02 – The Rivingtons “Papa-Oom-Mow-Mow” (1962)
The Rivingtons sont un groupe originaire de Los Angeles. Papa-Oom-Mow-Mow est un hit de 1962. Il inspire aux Trashmen, la mythique Surfin’ Bird l’année suivante.
03 – The Regents “Barbara Ann” (1961)
Comme Twist & Shout pour les Beatles, Barbara Ann n’est pas une chanson écrite par les Beach Boys mais par Fred Fassert, alors membre du groupe qui l’interprète en premier: The Regents.
04 – The Chips “Rubber Biscuit” (1956)
The Chips est un éphémère groupe de New York. Si Rubber Biscuit n’obtient pas un immense succès commercial, il devient un classique de la radio sur la côte est. Il sera ainsi inclus dans le film Mean Streets en 1973 ainsi que sur le premier album des Blues Brothers cinq ans plus tard.
05 – The Silhouettes “Get a Job” (1958)
The Silhouettes sont un groupe originaire de Philadelphie, Get a Job obtient la première place des classements américains en 1958 ! Le 45 tours s’est ainsi vendu à plus d’un million d’exemplaires à l’époque.
06 – The Robins “Smokey Joe’s Cafe” (1955)
The Robins sont un ensemble vocal de la région de San Francisco. Ils deviennent par la suite les Coasters. Smokey Joe’s Cafe est leur grand classique et montre les passerelles entre R&B et doo-wop !
07 – Jan and Dean “Heart and Soul” (1961)
Si la version de Jan & Dean est moins connue que celle des Cleftones, elle n’en a pas moins beaucoup de charme. Cette chanson a été écrite en 1938 par Frank Loesser et Hoagy Carmichael. Elle révèle les connexions entre le doo-wop et la musique de Broadway. Sa progression d’accords est la célèbre 50’s Progression, récurrente dans le doo-wop.
08 – The Marcels “Blue Moon” (1961)
The Marcels sont originaires de Pittsburg en Pennsylvanie. En 1961 ils décrochent la timbale avec leur reprise frénétique du classique Blue Moon. Comme Heart & Soul, la chanson a été piochée dans le répertoire des années 30. Ecrite par Lorenz Hart et Richard Rodgers, elle utilise également la fameuse 50s progression !
09 – Little Anthony & The Imperials “Shimmy Shimmy Ko Ko Bop” (1959)
Little Anthony and the Imperials est un groupe vocal de Brooklyn. Contrairement à nombreuses autres formations de doo-wop, ils arriveront à se réinventer à travers la soul et le rhythm & blues des années 60. Les amateurs de northern soul connaissent ainsi bien leurs chanson Gonna Fix You Good ou Better Use your Head.
10 – The Flamingos “I only have Eyes for you” (1959)
Comme Blue Moon et Heart and Soul, I Only have Eyes for You est une chanson des années 30. Ecrite par Harry Warren et Al Dubin, elle apparaît ainsi initialement dans le film Dames en 1934. The Flamingos sont un groupe de Chicago formé en 1953. Leur version de cette chanson est certainement la plus connue. À raison: la simplicité des arrangements et la beauté des harmonies vocales ont quelque chose d’éternel et toujours aussi magique 70 ans plus tard. Le morceau constitue ainsi un des moments forts de la bande originale d’American Graffiti.
2 thoughts on “PLAYLIST: Doo-Wop (1955-1962)”