Nous le savons que trop bien, la presse musicale, notamment papier, est dans une posture délicate. Il y a cependant parfois d’excellentes nouvelles, de quoi se réjouir et entrevoir un peu de lumière. Le dernier hors série de Tsugi (site internet) nous a rappelé pourquoi nous aimons autant la presse écrite musicale. Consacré à la french touch, entre 1993 et 2001, ce copieux magazine est un travail enthousiasmant sur le sujet.
Tsugi et la french touch
Le lien entre la scène française des années 90 et Tsugi est historique. Dans les années 90, Trax Mag rend compte de la scène française avec enthousiasme. Quand le titre sera racheté par Technikart, l’équipe historique part et fonde Tsugi. Presque vingt ans plus tard, le titre existe toujours (à l’inverse de Trax mag malheureusement disparu en 2023) au sein du groupe de presse So (So Foot, Society et aussi le label Vietnam dont je parle régulièrement). Sa ligne éditoriale dépasse le cadre de la musique électronique mais cela reste une des spécificités du titre.
Un angle original
Pour ce hors série, Tsugi a mis le paquet. L’historicité et la proximité de l’équipe historique a permis d’aller chercher de nombreux intervenants dont certains moins connus du grand public. Je pense que les différents journalistes ont fait un taff formidable pour expliquer l’histoire avec pédagogie et en donner de nombreuses clés. J’ai en particulier apprécié les contributions de Pat Bardot (désormais ex rédac chef de Tsugi), Alexis Bernier et Gérôme Darmendrail. Ces trois journalistes étaient déjà dans le navire presse quand je la lisais assidument à la fin des années 90 ! Je pense même que Gérôme Darmendrail s’occupait des chroniques de D&B/Breaks de Trax, que je lisais alors avec grand intérêt !
Des choix prononcés
Plutôt que s’engouffrer dans une sélection d’artistes convenue, Tsugi a fait le choix d’essayer de raconter quelque chose. Les journalistes ont donc pris des décisions pour bâtir une narration fluide. Chaque article semble ainsi éclairer un autre papier lu quelques pages plus tôt. Si Air ou Phoenix sont ici un peu mis de coté (ce n’est pas un problème pour moi – c’est complètement respectable au contraire), d’autres sont mis en avant, que ce soit en house ou trip hop. Quel plaisir de voir des interventions d’Alain Ho (Yellow Prod), DJ Cam, Dimitri From Paris, Alan Braxe ou DJ Falcon. Mieux encore: il y a toutes ces personnes, hors musique, qui ont contribué à définir cette scène ! Les articles sur Aurore Leblanc ou Thanx God i’m a VIP sont ainsi parmi les plus originaux. Découvrir l’envers du décors donne chair à cette musique. Le travail de contextualisation est vraiment formidable.
Pointu mais pédagogique
Que les novices se rassurent, les grands noms sont aussi présents. De nombreux papiers sont dédiés aux Daft Punk, à Cassius/Motorbass ou Stardust ! Pat Bardot a fait ici un boulot remarquable pour séquencer les articles qui, mis bout à bout, offre une vue d’ensemble passionnante sur le sujet. Il y a évidemment quelques papiers qui m’ont moins intéressés. J’ai aussi regretté que l’interview de DJ Gregory soit ancienne (et je l’avais probablement lue à l’époque !) mais c’est pour chipoter. Le prix assez élevé (25€) se justifie complètement au regard de la qualité de cet hors série passionnant, vibrant et exaltant. Pour les purs et durs, il existe même une version avec un flexi-disc et une planche de stickers pour 40€ (lien) !
note personnelle: 4,5/5