En me baladant sur twitter, j’ai vu passé une réflexion, plutôt intéressante, sur l’absence de concepts style MTV Unplugged de nos jours à la télévision ou sur youtube. L’auteur comparait la différence d’approche entre la vénérable émission de télévision et les formats contemporains tels que Tiny Desk. Pour ma part, l’évocation des Unplugged de MTV m’a rappelé à quel point celui de Nirvana était un indispensable de toutes les discothèques dans les années 90 autour de moi. Pourtant, question de génération oblige, si j’avais eu quelques années de plus ou de moins, ce disque ne représenterait pas ce souvenir si spécifique.
Une génération Nirvana
Que l’on soit né dans les années 70 ou la décennie suivante, Nirvana a représenté un signe très fort pour de nombreuses personnes pendant sa courte carrière. Il y a cependant des nuances à apporter. Les plus âgés découvrent le groupe par Bleach (1989) tandis que les plus jeunes vont s’initier avec le MTV Unplugged (1994) après le suicide de Kurt Cobain. Cinq ans seulement séparent les deux disques et pourtant c’est tout un monde, celui qui sépare le collège de la fac ou la primaire du lycée. Certains ont pu voir le groupe en concert, peut être même à Issy les Moulineaux, et ont derrière aussi exploré la scène grunge ou même le rock noisy d’alors (Thugs, Sloy, Slint, Shellac etc.) tandis que d’autres ont été touché par sa disparition et découvre alors le rock à travers fun radio ou skyrock et donc des groupes plus populaires (Green Day, Offspring, Jeff Buckley, Cranberries).
Un même évènement mais un sens différent
Vous me voyez peut-être venir: l’Unplugged de Nirvana n’a pas représenté la même chose pour vous si vous êtes nés en 1970 ou en 1980. Certains fans de la première heure ne l’écouteront pas tandis que pour d’autre ce sera le baptême du feu.
J’ai envie d’élargir un peu la réflexion à d’autres événements musicaux contemporains. Par exemple, j’ai l’impression que pour beaucoup de passionnés les albums des La’s ou des Stone Roses représentent de vrais marqueurs générationnels là où ces disques sont plus décontextualisés pour moi. J’ai même envie de pousser le truc plus loin: à un ou deux ans près je suis passé à côté de la guerre Oasis/Blur. Ne vous méprenez pas, avec mon frère on a poncé The Great Escape (1995) mais nous étions trop jeunes pour lire le NME et nous intéresser sérieusement à la brit pop.
Autre exemple: le succès d’Ace of Base. Ce groupe a massivement marqué une génération mais est désormais assez ignoré dans l’environnement actuel. Il n’a pas encore été vraiment digéré (le sera-t-il) pour devenir un classique comme le son les Beatles, Abba, Fleetwood Mac, Rage Against The Machine ou les Pixies. C’est presque choquant à quel point ce groupe en dit long sur votre âge sur la simple base d’être capable de chantonner une de leurs chansons (j’en suis capable par exemple).
Pour en revenir à un environnement rock, les Strokes sont un groupe générationnel et il sera intéressant de voir les gens qui les ont découvert avec les deux premiers albums ou le récent The New Abnormal.
des marqueurs générationnels
J’ai le sentiment qu’à l’enfance et l’adolescence, les marqueurs générationnels peuvent se jouer à un ou deux ans près. En étant adulte, tout ceci semble abstrait, insondable et pourtant ! Dans cette période où nous sommes des éponges, des émissions de télévisions, des films, des groupes, des chansons, des publicités peuvent fortement vous marquer et largement influencer (inconsciemment au moins) vos goûts ultérieurement. Ainsi, même en explorant le passé, se l’appropriant, il est parfois difficile de comprendre les choses telles qu’elles ont été perçues à l’époque. Des œuvres culturelles très significatives peuvent ainsi ne pas avoir l’importance pour vous que celle qu’elles ont eu pour des personnes qui ont aujourd’hui presque le même âge que vous. Cela se joue à quelques années près !
et aujourd’hui ?
Pour ma part, tout est aujourd’hui plus flou. Si la coupe du monde 1998 était un souvenir saillant pour toute ma génération, c’est nettement moins le cas de celle de 2018. Est-ce lié à l’âge adulte ? En partie oui. Nous sommes particulièrement sensibles dans notre enfance et adolescence. Tout y semble un peu plus intense et impressionnant. Je ne suis pas sûr que cela explique tout cependant.
Internet et les téléphones portables évolués nous ont aussi fait basculé dans une période différente il y a une vingtaine d’années. Nous sommes beaucoup plus sollicités et avons peur de rater des événements (le fameux FOMO pour Fear of Missing Out). Ce bruit permanent ne provoque-t-il pas chez nous une moindre conscience du temps ? Arrivons nous encore à construire notre représentation du passé avec la même acuité ?
Je serai vraiment curieux d’avoir l’avis de gens dans leur vingtaine, vos souvenirs culturels d’enfance/jeunesse sont ils des marqueurs saillants et indélébiles de votre histoire ? Le débat est ouvert !
Salut Alex,
Pour ton dernier point je pense aussi que moins de choses culturelles ou sportives sont autant partagées qu’à l’époque. On a tellement de sources, de supports, de catalogues, qu’on a moins de culture commune. Avant la diffusion d’un épisode de Twin Peaks était un événement, comme un événement sportif. Les gens s’accrochaient aussi à un élément culturel parce qu’il était retransmis à la télévision, maintenant c’est moins évident. Mis à part peut-être un GoT ou une poignée de grosses séries HBO, et encore on est pas sur la même échelle à mon avis.
De la même façon les événements sportifs étaient vraiment des “événements”, vu qu’ils étaient tous retransmis en clair, et étaient surtout bien moins nombreux. Aujourd’hui n’importe quel match de n’importe quel championnat/compétition/sport est retransmis quelque part. Et les compétitions comme la coupe du monde de foot arrivent après une saison de parfois 40+ matches par équipe, plus d’une dizaine pour la sélection, avec plusieurs compétitions en parallèle…
Ce côté moins universel et la saturation d’offres fait qu’il y a tout simplement moins de culture commune actuellement, comme une coupe du monde ou un MTV Unplugged pouvaient l’être chacun à leur manière à l’époque.
Salut Julien ! Merci pour ton commentaire, je partage totalement tes remarques. C’est plutôt inquiétant de se dire qu’on partage de moins en moins un référentiel culturel commun non ? Cela m’interroge en tout cas !