CINEMA: “Phase IV” (1974) de Saul Bass

Dans mon panthéon personnel de la science fiction des années 70 figurera désormais Phase IV de Saul Bass, au coté de Soleil Vert (1973), Silent Running (1972) ou L’Âge de Cristal (1976). L’unique film du graphiste Saul Bass surclasse le statut de curiosité et propose une interprétation intéressante de L’Empire des Fourmis d’HG Wells.

Si la carrière du Nord-américain se résume à quelques court métrages (6, entre 1964 et 1984) et ce film, Saul Bass est une véritable légende du graphisme et de l’illustration. Né dans le Bronx en 1920, il se fait connaître dans le 7e art dans les années 50 à travers ses collaborations avec des réalisateurs prestigieux comme Otto Preminger ou Alfred Hitchcock. Il réalise par exemple les affiches de L’homme au Bras d’Or (1955) ou Vertigo (1958). Son approche originale l’amène également à travailler pour de grosses sociétés comme AT&T ou Warner Bros pour lesquelles il réalise de célèbres logos.

En plus des cours métrages et du travail graphique, Saul Bass aide à la réalisation de quelques scènes dans Spartacus (de Stanley Kubrick) et réalise de nombreux génériques pour le cinéma dans les années 50/60. Paramount lui permet ainsi de passer derrière la caméra en 1974 avec Phase IV, un film de science fiction atypique.

S’approchant d’un huit clos (une grande partie du film se déroule dans une base scientifique), Saul Bass développe une ambiance angoissante dans un cadre désertique (le sable chaud de l’Arizona) et presque spatial à sa manière. Phase IV suit ainsi les pérégrinations de trois personnages: le Dr Hubbs (Nigel Davenport), James Lesko (Michael Murphy) et Kendra Eldridge (Lynne Fredericke). Cette dernière se retrouve coincée dans un laboratoire avec deux scientifiques (un entomologiste et un spécialiste de la communication). Ils étudient des fourmis dont l’adaptation à l’environnement les surprend.

Phase IV alterne donc entre les séquences avec les acteurs des plans sur les fourmis, évoquant des documentaires animaliers. Ces insectes développent des capacités étonnantes et anxiogènes. Nous suivons ainsi l’évolution des personnages assiégés par les fourmis. La gestion de la tension est excellente et l’issue inévitable. Phase IV présente pourtant deux fins différentes. Celle montrée au public est un peu plus rassurante que la très pessimiste (et psychédélique) version de Saul Bass.

Phase IV présente quelques défauts (de rythme notamment) mais offre un point de vue singulier sur les années 70. Comme d’autres films de cette époque (notamment ceux que je mentionnais plus haut), l’écologie y est un filigrane rouge, de même que la place dans l’homme dans cet écosystème. La musique du film est particulièrement intéressante, notamment les interventions électroniques de David Vorhaus (membre de White Noise avec Delia Derbyshire) et Desmond Briscoe (du BBC Radiophonic Workshop) au début du film ainsi que la séquence sublime (coupée au montage finale) illustrée par Stomu Yamashta. L’unique film de Saul Bass est une œuvre surprenante à redécouvrir.

PS: paradoxalement, Saul Bass ne signe pas l’affiche du film (avec la fourmi qui sort de la main). Celle-ci insiste sur le coté horrifique et renvoie au Chien Andalou de Louis Buñuel et Salvador Dalì.

note personnelle: 4/5

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