Dans les années 80, l’informatique à destination du grand public se développe et ouvre de nouvelles possibilités aux musiciens. Avant le développement de la MAO (musique assistée par ordinateur) à la fin de la décennie avec la création de Cubase ou Logic (Notator) pour l’Atari ST, certains d’entre eux proposent des programmes pour accompagner leur musique. Plus que sur des disquettes ou des CD-rom, ces programmes sont inscrits en audio sur des vinyles ou des K7 ! Retour sur cette étonnante curiosité si typique des années 80.
L’avènement de l’informatique personnel
Pendant longtemps l’ordinateur était réservé aux professionnels et aux universités. À partir de la fin des années 70, se développe un marché grand public autour de machines telles que le PET (1977) de Commodore ou l’Apple II (1977). Deux ordinateurs vont cependant changer la donne très sérieusement: le Commodore C64 (1982) aux Etats Unis et le ZX Spectrum (1982) de Sinclair en Angleterre. Ces machines mettent à la portée des jeunes la programmation. De nombreuses personnes découvrent alors ce hobby, très différent de l’approche actuelle.
Il faut alors mettre les mains dans le cambouis et souvent programmer/entrer soi même les programmes. Il existe alors une offre de presse spécialisée dans laquelle les utilisateurs peuvent piocher des programmes en les recopiant à partir des pages papiers du magazine ! Une autre méthode (moins barbare) consiste à entrer un programme depuis un lecteur de cassette. Beaucoup d’ordinateur dispose en effet de cette option et les jeux (un marché naissant) sont diffusés dans ce support.
Des musiciens s’intéressent aux programmes
La possibilité d’entrer des programmes à travers l’audio intéressent forcément les musiciens. Un certain nombre d’entre eux vont ainsi proposer des logiciels à charger depuis des albums en cassette ou des vinyles. Les magazines spécialisés sur l’informatique ont parfois eux même recours aux flexi-dics car ils coûtent pas chers à fabriquer.
Il faut cependant reconnaître que charger un programme depuis l’audio d’un vinyle n’est pas idéal et beaucoup de musiciens recommandent alors d’enregistrer l’audio sur une K7 !
Ces programmes sont de natures diverses. Certains groupes proposent des jeux textuels (The Stranglers, The Thompson Twins) tandis que d’autres (Pete Shelley des Buzzcocks) proposent des visualizers à caler avec la musique ! Ces démarches sont plus ou moins opportunistes. Pour certains il s’agit cependant d’exprimer un réel intérêt pour ce nouveau domaine ou tout simplement se projeter dans le futur.
Quelques exemples intéressants
Sur son album XL1, Pete Shelley introduit un programme à destination du ZX Spectrum. Celui-ci est disponible à la fin du vinyle, situé après un lock groove pour ne pas perturber le flux de l’album ! Une fois chargé sur l’ordinateur, le programme donne accès aux paroles et à des illustrations graphiques des morceaux !
Autre exemple passionnant. Les Stranglers intègrent en 1984, sur la K7 d’Aural Sculpture, un jeu textuel. Aural Quest est programmé par Mike E. Turner, le témoin du mariage du claviériste David Greenfield à l’origine de cette proposition ! Comme le visualizer de Pete Shelley, ce programme est à destination du ZX Spectrum.
Les Thompson Twins s’essayent aussi à l’exercice, probablement une idée de leur management plutôt qu’eux ! Le programme (un jeu textuel) accompagne la sortie du single Doctor Doctor en 1984 et est fourni sur un flexi dans la presse spécialisée (C&VG). Initialement deux versions étaient prévues sur le disque mais seule celle pour le ZX Spectrum est finalement intégré au disque (l’autre était pour le Commodore C64).
Chris Sievey est un artiste plutôt fascinant. Membre de l’excellent groupe powerpop britannique The Freshies, le musicien se réinvente dans les années 80 à travers le costume de Frank Sidebottom (qui illustre cet article), un personnage étrange et culte chez nos amis britanniques. Celui-ci fait des apparitions à la télévision, dans des émissions pour enfants etc. En plus de ses talents de musiciens, Chris programme également un peu comme en témoigne la face B de son single Camouflage paru en 1983 qui comprend un clip pour la chanson à travers un programme pour le ZX Spectrum ! Il va encore plus loin en commercialisant un jeux vidéos (textuel) pour le ZX Spectrum en 1984: The Biz qui contient aussi des morceaux de ses groupes !
En faisant mes recherches, voici quelques autres exemples que je trouve intéressant de mentionner:
- Shaky Stevens sur l’album The Bop Won’t Stop (1983) propose sur certaines versions de la K7 le programme The Shaky Game pour le ZX Spectrum;
- le duo suédois Adolphson-Falk sur l’album Over Tid Och Rum (1984) propose un programme pour Atari 800;
- sur New Anatomy (1984) le groupe britannique Inner City Unit s’y met aussi (ZX Spectrum);
- le groupe chrétien de Cincinnati, Prodigal, propose un petit programme pour le Commodore C64 sur leur album Electric Eye (1984).
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