Avec l’avènement du streaming et le retour du vinyle (avant un revival CD?), certains formats ont complètement disparus, parmi eux les cds mixés. Ce support m’est cher: il est très lié à ma découverte personnelle de la musique électronique dans les années 2000. S’il y a n’a pas tant de chose que ça à raconter sur les cds mixés, l’objet reste très emblématique d’une époque désormais disparue.
l’origine des cds mixés
Le fait de diffuser un mix enregistré sur un support n’est pas né avec les cds. Dans les années 60, il existait déjà des compilations vinyles avec des fondus enchainés telles que la mythique série Rhythm & Blues Formidable. Dans les années 70 avec la popularisation il n’est pas rare que les disc-jockeys diffusent leurs propres mixes pour se faire connaître: ce sont les mixtapes. Je pense cependant que l’idée de cd mixé commercialisé prend un essor et son envol avec le développement du compact disc et de la musique électronique au début des années 90. Certains labels se spécialisent dedans, notamment les Allemands de !K7 qui publient la série X-Mix (1993) puis les mythiques DJ-Kicks (1995). À tous les passionnés chevronnés: quels sont les premiers exemples de CD mixés dont vous avez connaissance ?
S’informer avant internet
Avant internet, découvrir de la musique était une opération moins aisée mais aussi peut-être plus amusante. Il fallait aller chez ses disquaires, lire la presse musicale (les inrocks, magic, trax, rock & folk, coda etc.), mater les clips sur M6 la nuit et souvent achetés des disques sur la foi d’une recommandation d’un ami, d’un morceau entendu ou d’un magazine. Les cds mixés permettaient ainsi souvent de découvrir des morceaux disponibles uniquement en maxi 45 tours et absents des albums. Parfois les cds mixés étaient combinés avec une pratique marketing (qui a également disparue avec le streaming): les samplers de labels.
À une époque où il n’était pas possible d’écouter la radio à travers internet ou d’avoir accès sur youtube à la dernière production allemande, anglaise ou nord-américaine, le cd mixé était un vecteur de diffusion de la musique et une manière de découvrir des morceaux. Associé au principe du sampler (une compilation pas chère pour découvrir le roster d’un label), c’est devenu un outil très efficace pour faire découvrir des labels aux gens capables de mettre 30/50 francs (entre 5 et 7 euros) dans un cd pour découvrir.
un format idéal pour la dance music électronique
Le passage au format album n’a pas toujours réussi à la musique électronique de club. Je dirai même que l’essence de cette musique se trouve dans les maxis 45 tours. Musique fonctionnelle dédiée à la piste de danse, elle est souvent construite d’une manière similaire pour la rendre facilement mixable par les djs. Bref beaucoup de morceaux dancefloor ont de longues introductions avec des rythmiques qui n’ont pas forcément le même attrait dans le cadre d’une écoute domestique. Les cds mixés représentaient alors la possibilité d’un long format pour cette musique en se rapprochant de l’utilisation en contexte. De fait, je pense que les cds mixés ont autant – si ce n’est plus – d’importance que les albums pour la musique électronique, au moins dans les années 90-00 ! Ils sont malheureusement aujourd’hui totalement oubliés et pourtant je pense qu’ils ont beaucoup fait pour rendre incontournables certains morceaux.
des séries mythiques de cds mixés
Tous les gens qui se sont intéressés à la musique électronique dans les années 90/00 vous le diront: les meilleurs disques de certains artistes se sont des cds mixés ! Parmi les cas célèbres, beaucoup préfèrent le DJ-Kicks de Kruder & Dorfmeister à leur album de remixes, the K&D sessions. Pour ma part je garde une affection particulière pour la participation de Thievery Corporation à cette série ! DJ-Kicks c’est aussi, par exemple: Stereo MC’s, Terranova, Kemistry & Storm, Chicken Lips ou Andrea Parker.
Toujours sur le versant plus domestique que club, la série Back to Mine a marqué les esprits avec des contributions de New Order, Tricky, Groove Armada, Death in Vega, Mercury Rev… Coté dancefloor, Fabric Live (et fabric) est incontournable avec des ses mixes de James Lavelle, LTJ Bukem, Les Rythmes Digitales, Agoria, John Tejada etc.
De nombreux labels en proposent également, notamment en Angleterre: Moving Shadow, Hospital, CIA, Botchit & Scarper etc.
Que ce soit une compilation unique, une série, un cd sampler, certains cds mixés ont marqué leur époque et sont presque devenus des classiques en soi. Certains mériteraient d’ailleurs d’être mis au même niveau que des albums dans les anthologies.
et maintenant ?
Le cd mixé est revenu à sa nature première ou presque ! Les djs postent leurs mixes sur des sites comme soundcloud ou mixcloud, ils font des émissions de radios (qui peuvent être écoutées mondialement !) etc. Bref l’industrie du cd mixé a largement disparu et n’a pas été remplacée. Les cds mixés resteront cette anomalie de l’ère du CD, pendant deux décennies et des poussières.
10 cds mixés qui m’ont marqué
01 – Adam Freeland Tectonics (Marine Parade/Ultra, 1999/2000)
La meilleure introduction qui soit au Nu Skool Breaks. Mix d’une qualité magnifique et dont la pochette me donne encore presque des frissons.
02 – Zed Bias Sound of the Pirates (Locked On, 2000)
Mon mix UKG favoris. J’ai d’abord découvert le volume 2 mais celui-ci m’avait un peu déçu. Ma découverte du UKG et du 2-step c’est fait avant tout à l’écrit. Derrière on essaye d’imaginer la musique. Le volume 2 m’avait semblé trop cheesy mais en écoutant le premier j’ai pris une claque et j’ai entendu ce que j’avais imaginé.
03 – The Stanton Warriors The Stanton Warriors Sessions (XL Recordings, 2001)
Un autre mix classique breakbeat/nu skool/UKG (bref “anglais”) brillamment mixé par les Stanton Warriors. La BO de mon été 2001 (avec le deuxième album des Basement Jaxx !).
04 – Thievery Corporation DJ Kicks (!K7, 1999)
Mon DJ Kicks favoris ! Mieux que leur propre production je pense.
05 – Timecode (Rob Playford) MSX00.1 (Moving Shadow, 2000)
Un de mes mixes D&B favoris, qui démarre depuis le old skool hardcore pour aller jusqu’aux années 2000.
06 – Jacques Lu Cont (aka Les Rythmes Digitales, Stuart Price) FabricLive.09 (Fabric, 2003)
Super mix éclectique et brillamment mené ! une vraie leçon dans la manière d’intégrer des morceaux contemporains à ceux du passé.
07 – Naked Music presents Lost on Arrival (Naked Music, 2003)
Naked a tenté un virage nu disco avec cette compilation, j’aime vraiment beaucoup la sélection !
08 – Derek Dahlarge FSUK (Ministry of Sound, 1997)
Compilation big beat assez mythique pour moi !
09 – Prodigy (Liam Howlett) The Dirtchamber sessions (XL Recordings, 1999)
On sort un peu du cadre “mix de dj” mais quel classique ! grosse claque à l’époque.
10 – Tomahawk Hospital Mix.2 (Hospital Records, 2003)
Finissons cette playlist par une excellente séries de cds mixés par Hospital. Je pense que le volume 2 est sûrement mon préféré.
Merci. Super article sur les cd mixés ! Effectivement ma découverte de la techno dans les 90’s commence avec une série dont tu n’as pas parlé et qui est chère à mon coeur : la série japonaise “mix-up”, avec des dj-sets tarés de Takkyu Ishino, Jeff Mills, Ken Ishii, Derrick May et Fumiya Tanaka. Les pochettes étaient magnifiques. J’ai pris une claque énorme avec le mix de Takkyu Ishino, mon tout premier disque techno, j’avais 13 ans, et il demeure aujourd’hui encore mon disque techno préféré.
https://www.discogs.com/fr/label/511405-Mix-Up
Le Dirtchamber Sessions de Liam Howlett est complètement dingo aussi !