Après un mois sans une livrée de nouvelles autour de la musique. Voici un tour d’horizon des dernières polémiques, réflexions autour de notre médium préféré ! On va démarrer sur du très lourd avec une affaire qui secoue les réseaux sociaux: le vol d’idées de Giacomo Turra, un musicien influenceur. Cela ne sera pas notre seul sujet du jour. Je me suis interrogé sur un post instagram du groupe Tennis faisant une chronique de leurs chroniques sur le site Pitchfork. J’évoque aussi rapidement la taxe sur les livres et enfin un article sur les disquaires de la BPI qui a atterri dans mes publicités instagram ! Mais sans plus attendre, intéressons nous au fameux Turra.
L’affaire Giacomo Turra
Lundi (19/05) je suis tombé sur l’affaire Giacomo Turra sur youtube. Ce drama est vraiment très intéressant car il pose énormément de bonnes questions.
D’abord résumons l’affaire. Giacomo Turra est un guitariste influenceur, particulièrement populaire sur instagram. Bonne vibe, guitare funky mais bavarde, le voilà à accumuler les followers (plus de 700 000 apparemment): problème, le mec ne semble pas très réglo !
Un Youtubeur (Danny Sapko) révèle l’affaire début avril (4 avril 2025) dans une vidéo cumulant presque 1 million de vues (plus de 950 000). Il semblerait que le musicien emprunte, sans les créditer, des morceaux ou arrangements (de solos) à des guitaristes beaucoup moins connus. De surcroit, ses performances interrogent aussi largement: il semblerait que Giacomo Turra n’ait pas le niveau qu’il prétende avoir et serve d’ableton pour accélérer (sans les pitcher) ses performances.
Tout l’univers youtube y est allé de son commentaire. Adam Neely a fait une vidéo très complète autour de l’imposture dans la musique (The Ethics of Fake Guitar), tandis que Rick Beato a balancé un missile bien plus lapidaire (à voir ici) !
Plusieurs réflexions me viennent autour de cette histoire. D’une part on peut clairement regretter la place des influenceurs vis à vis des créateurs. Aujourd’hui il ne s’agit pas d’être un musicien talentueux, une illustratrice singulière, un céramiste inspiré ou une peintre douée: il faut savoir se vendre et amener ce talent sur les réseaux sociaux. Je trouve ça assez déprimant pour l’artistique car il s’agit de deux talents différents ! Giacomo Turra démontre toute l’absurdité du système. Il s’est attribué (sans rétribuer) le mérite d’autres créateurs, moins bons sur la partie marketing. C’est profondément déprimant ! De surcroît, le talent supposé du musicien est largement questionnable. Bref, c’est dommage que notre époque ait légitimé un tel triste sire. Cela doit nous interroger.
Autre point de réflexions, alors que l’on s’interroge légitimement sur les droits d’auteurs pour alimenter les IA (CF IA et Ghibli) que penser d’un musicien qui vole ses collèges sans la moindre courtoisie ? Finalement, c’est parfois les techniques les plus simples et culottées qui marchent le mieux !
Tennis critique les critiques de Pitchfork
Il y a quelques semaines le groupe Tennis postait une critique des critiques de Pitchfork sur son instagram. Vous le savez je suis loin d’être un fan du site nord-américain que j’ai toujours trouvé plutôt snob et chiant. Je les ai égratignés à plusieurs reprises, notamment dans leur vile participation au poptimisme. Si je comprends complètement la frustration du groupe et les éventuels contresens que font les journalistes musicaux, je suis quand même un peu sur la réserve vis à vis de ce genre d’attaques. Je pense que la liberté de critiquer (et de celle d’être à coté de la plaque) est très importante et même nécessaire à l’écosystème musical. J’ai déjà évoqué ce sujet plus en détail (La critique musicale a-t-elle un avenir ?) mais ça me paraît important que les groupes jouent le jeu et acceptent qu’on puisse les critiquer. C’est d’autant plus vrai dans le cas de Tennis qui a certainement bénéficié aussi du travail des journalistes musicaux dans leur succès initial. À partir du moment où l’on joue le jeu d’envoyer ses disques à la presse, il faut aussi en accepter les éventuelles contreparties négatives. Par contre, il ne faut évidemment pas pour autant excuser les attaques personnelles, mais étaient ce le cas dans les textes en question ?
Une nouvelle taxe sur les livres
L’information est sortie il y a environ un mois: il serait question de mettre en place un taxe sur les livres d’occasion (un article). Je n’ai vraiment pas hâte qu’elle soit copiée pour la musique ou le cinéma. N’oublions pas que celui qui paie la taxe in fine c’est nous autres les derniers maillons de la chaîne. Une belle lourdeur administrative à la clef, des augmentations à prévoir pour les biens (comme avec l’application de la douane sur les vinyles depuis l’étranger).
Tout cela me fait penser à un autre sujet. Il y a quelques décennies, des voix dans la musique souhaitaient un prix unique du disque et/ou une TVA réduite (le disque est taxé à 20%, les livres à 5,5). Ces questions n’ont jamais abouti car la musique est un média un peu plus populaire que le livre. Le sujet a largement disparu de la discussion publique aussi. Est-ce une bonne chose ? Les libraires sont bien plus nombreux que les disquaires mais leur situation n’est pas forcément idéale non plus. Ces prix fixés protègent ils alors cette diversité souhaitable ? Je suis ouvert au débat !
Pour ma part, instinctivement, je ne pense pas que des prix fixes apporteraient une plus-value à l’écosystème. Ils privent les disquaire d’un outil de gestion des stocks: le prix pouvant être ajusté à la baisse pour inciter les passionnés à l’achat quand un disque a du mal à partir. Un prix fixe serait probablement établi d’une manière trop unilatérale pour répondre à la demande de manière probante, surtout avec les tensions actuelles sur les prix (les vinyles neufs sont trop chers).
Un article sur les disquaires sur le site de la BPI
La BPI est un organisme de financement public des entreprises. Ils ont un média sur lequel ils viennent de publier un article (lien) autour de mon sujet favori: les disquaires. Quelques remarques en vrac ci-dessous.
Le sociologue cité (Christophe Sevin), dit: Et il y a des usages très différents. Certains consommateurs de vinyles, parmi les plus jeunes, n’ouvrent même pas les pochettes parce qu’ils ont la version numérique et que le disque s’apparente à un objet de déco. Les babyboomers, eux, retrouvent leur jeunesse en rachetant les disques qu’ils ont aimés. Enfin, il y a ceux qui ont à cœur d’écouter le support et pour lesquels c’est comme un acte de foi… L’article ajoute ensuite qu’il est difficile d’en dégager un profil type.
Pour ma part, je fais une analyse assez proche et je pense que le sociologue tient justement les clefs de profils (idéaux) types. Je l’évoquais récemment ici même (dans le paragraphe Les Gens Achètent de la musique), une partie du public se procurent des albums comme ils le feraient d’autres objets de merch (des t-shirts par exemple). Il y a des tendances lourdes qui se dégagent dans les acheteurs, notamment en fonction de l’âge.
Mon analyse au doigt mouillé et en généralisant (la réalité est plus nuancée évidemment): les Gen X et millenials achètent des vinyles en tenant compte du prix quand c’est moins un critère pour les générations antérieures (boomeurs) et postérieures (Gen Z). Le revival du support (il y a 15-20 ans) a créé une génération attachée à ce format pour l’écoute et habituée à une certaine grille tarifaire. Nous nous sommes beaucoup éloignés de cette dernière depuis quelques années. La démarche premium a pris de l’importance autant pour les rééditions (coffrets luxueux) que les nouveautés (nombreuses variantes d’un même album). La sensibilité au prix doit aussi varier en fonction des genres musicaux. Il y a différents marchés du vinyle dont les dynamiques diffèrent. Je m’en inquiétais l’autre jour: la croissance ne peut pas reposer uniquement sur une croissance du prix; elle devrait aussi se fonder sur une augmentation des volumes.
Un autre aspect important du texte: l’importance des événements et la diversification. Il est ainsi question du disquaire day et des activités connexes. Dans l’article, le gérant de Bar Italia mentionne ainsi son activité café. Dans mon papier du 18 avril, je mentionnais justement la place importante de ces activités vis à vis du rôle traditionnel du disquaire. Comme vous le savez je suis attaché à l’expérience classique du disquaire mais je comprends pleinement le besoin de chercher de nouveaux publics, de créer des moments et diversifier le profil des gens qui entrent dans une boutique. Le maintien des disquaires passera probablement par cette approche !