OPINION: Plus que jamais, les disquaires sont en danger

L’actualité récente illustre encore d’avantage les difficultés des disquaires indépendants en France et ailleurs. Fin 2023, je vous alertais de la situation ici même (article). Depuis les choses ne semblent pas s’améliorer (au contraire). Trois événements nouveaux viennent rappeler la fragilité et la précarité de ces établissements et de tout l’écosystème: l’appel des Balades Sonores, la fermeture de Discos Revolver et la faillite de Clearspot.

Les Balades Sonores appelle au soutien

Le 30 juin, les deux boutiques parisiennes (avenue Trudaine et rue Pierre Picard) appelait à venir chez elles sur les réseaux sociaux. De nombreux médias ont relayé , preuve s’il en est de l’importante des Balades Sonores pour la scène musicale indépendante française. Le schéma a ses spécificités (deux baux qui courent en même temps) mais les Balades Sonores sont aussi victimes d’un contexte plus général de difficultés autour du support musical, en particulier vinyle. En tout cas on vous invite à aller les voir et dépenser des sous là bas.

Je relais les visuels ci-dessous. Et le lien vers le site.

les adresses:

  • 8 rue Pierre Picard, 75018 Paris (la boutique nouveauté)
  • 3 avenue Trudaine, 75009 Paris (la boutique destockage).

Fermeture de Discos Revolver

Le 7 juillet nous apprenions que l’un des deux mythiques disquaires Revolver de Barcelone fermerait ses portes à la fin du mois de juillet. Discos Revolver l’a annoncé sur sa page instagram et facebook. Si vous suivez ce site, vous savez que je ne manque pas de faire un tour dans la carrer dels tallers à chacun de mes passages en Catalogne (ici ou là par exemple).

Cette nouvelle m’affecte particulièrement car je pense que Discos Revolver est probablement mon disquaire favori à Barcelone (suivi de Revolver Records juste derrière). Le lieu va énormément manquer à la capitale catalane, car Discos Revolver est un excellent disquaire généraliste indé (comme peuvent l’être Balades Sonores, Gibert etc.). L’offre de la fnac est dramatiquement nulle là bas (contrairement à Paris où c’est pas si mal) et les autres lieux se focalisent sur l’occasion ou sont orientés niche.

Clearspot en faillite ?

Il semblerait que le distributeur néerlandais Clearspot soit en faillite. Avec Requiem Pour Un Twister on a travaillé avec eux dès nos débuts. Des petits volumes mais la fierté de voir nos disques circuler ! Clearspot n’est pas un mastodonte du secteur mais il est vital à la scène psyché/garage. Il distribue de nombreux labels de rééditions et nouveautés comme Soundflat, Guerssen etc. La possible disparition à venir de ce distributeur de qualité est un nouveau signal faible du potentiel désastre à venir.

Plus que jamais les disquaires sont en danger

Je l’écrivais ici même en décembre 2023 et oui c’est toujours d’actualité un an et demi plus tard, plus que jamais. À Paris, l’incendie du Silence de la Rue a précipité sa fin, pour autant, notre capitale n’est pas à l’abris de connaître encore des défections comme en témoigne la situation critique des Balades Sonores. On croise très fort les doigts pour eux ! Ailleurs, en Europe, la situation est tout aussi précaire et inquiétante, preuve que le phénomène est global. On peut se poser la question du pourquoi ? Voici mon analyse personnelle sur le sujet, basée sur mes observations et discussions (je suis d’ailleurs ouvert à en parler).

La situation du COVID a déréglé le marché. L’absence de possibilité de dépenser son argent en sortie (concerts, restos etc.) a réorienté ce budget sur les disques. À la sortie de la pandémie, on a aussi eu la guerre en Ukraine. Ces deux événements ont induit une inflation, notamment sur l’énergie et donc de nombreux biens. Les clients doivent désormais faire des arbitrages plus sévères et cela, au détriment des biens culturels comme les disques ou les livres. Les vinyles neufs sont trop chers, tout le monde le sait et c’est un gros problème pour les disquaires indépendants. D’une part, ils doivent rogner leur marge pour absorber une partie du coût, d’autre part, une partie de la clientèle pré-COVID a déserté les disquaires ou diminuer ses dépenses. Ces prix n’incitent pas à la curiosité, un des moteurs du passage en disquaire indépendant.

Ce n’est pas l’unique problème. Une partie des gens achètent désormais en ligne via les précommandes. Pendant le COVID, l’habitude a été prise de tout réserver à l’avance (restos, expos, cinéma, disques etc.) plutôt qu’aller spontanément chez un disquaire (ou dans un resto etc.). Certaines de ces précommandes impactent les disquaires, en particulier les sorties emblématiques (par exemple le dernier Pulp). Ces disques auraient, par le passé, occasionné du passage en disquaire, et peut être des achats complémentaires de sorties moins faciles à vendre. Par ailleurs, ces précommandes ont certainement un impact négatif sur le renouvellement de la clientèle. Si les gens prennent l’habitude de commander en ligne plutôt qu’aller dans une boutique physique, il n’y a pas la possibilité de créer ce rapport personnel aux disquaires. Enfin le système de préco a aussi un impact sur la disponibilité des disques chez les disquaires. Certains labels vont préférer presser moins mais tout vendre en direct et donc bypasser purement et simplement les boutiques. Cela complique le travail d’approvisionnement et de suivi des lieux physiques.

Je crois pourtant qu’on a tous (l’écosystème de la musique) intérêt à ce que les disquaires continuent d’exister. Ils font un travail important de découverte et autorise les heureux accidents (c’est à dire tomber sur des albums qui nous touchent par hasard). Comme les grass roots venues (que j’évoquais ici), certains albums ont plus besoin que d’autres des disquaires. Pour autant, si on sucre les disques qui nécessitent moins de travail, on complique aussi largement la tâche. Ce sont aussi des lieux de sociabilisation, ils créent du lien entre les passionnés et leur permettent de s’intégrer à des scènes. La disparition des disquaires a un impact sur la diversité musicale et nous rend aussi encore plus à la merci d’algorithmes informatiques dont on peine à comprendre le fonctionnement. Bref c’est vraiment important d’aller faire un tour à vos boutiques favorites et y laisser un peu d’argent. Par les temps qui courent c’est vraiment apprécié !

2 thoughts on “OPINION: Plus que jamais, les disquaires sont en danger

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *