Depuis quelques années de nombreux albums de disco organiques comme ceux de Voilaaa, L’impératrice, Mildlife, Marxist Love Disco Ensemble ou Nu Genea me font penser, de manière indirecte, à la nu-disco du début des années 2000. C’est d’ailleurs en chroniquant Chorus (de Mildlife donc) que j’ai sérieusement eu envie de revenir sur ce genre musical né au début des années 2000. J’ai alors consulté la page wikipedia qui est quand même globalement très approximative (pour ne pas dire plus). Voici donc mon interprétation de la nu-disco, c’est à dire la musique qui a été appelée ainsi dans la presse musicale des années 2000. Je n’ai pas d’avis sur les usages ultérieurs.
Avant la nu-disco
On s’en doute, avant la nu-disco il y eu bien sûr la disco à la fin des années 70. Dès le début des années 80, cette musique est progressivement remplacée par le post-disco, le boogie, l’italo-disco, l’electro-funk etc. La première renaissance de la disco est bien sûr la house music au milieu des années 80. Celle-ci s’éloigne cependant des fondamentaux organiques de sa grande sœur pour une approche plus minimaliste et home-studio.
Pendant les années 90, la house se diversifie. Plusieurs sous-genres musicaux émergent alors. Je pense par exemple à la deep house, à la house garage, la tribal house, la house progressive etc. Dans cette profusion de nouvelles approches émerge le son qui sera souvent associé à la french touch: la house filtrée, elle même dérivée de la disco-house. Ces genres musicaux fonctionnent généralement autour de samples de disco triturés et filtrés. Pensez à Stardust, Modjo, Kojak, Bob Sinclar ou Cassius (et tant d’autres !).
En parallèle, certains producteurs s’étaient déjà rapprochés de l’esprit originelle de la disco dans leurs productions. Dave Lee, sous l’alias The Sunburst Band, publie des morceaux avec une forte touche disco comme Garden of Love en 1997. Il n’est le seul, du coté de la France, Dimitri From Paris est un vrai passionné de disco. Son mythique mix, A Night At The Playboy Mansion, en 2000, combine références d’époque et contemporaines. Nous pourrions aussi mentionnés Moloko/Boris Duglosch, le regretté Erot avec et sans Annie, ou Faze Action (Plans & Designs en 1997).
Metro Area: le tournant
Dès la fin des années 90, le duo américain Metro Area publie des maxis sur leur label Environ. La sorti de leur premier album en 2002 fait grand bruit. La presse musicale parle alors de nu-disco à leur sujet. Dans la foulée nous découvrons d’autres new-yorkais (Daniel Wang, la tribu DFA), la scène norvégienne et allemande (autour du label Get Physical Music). Les autres pays ne sont pas en reste. En France la tradition disco est vivace et des producteurs vont aussi s’emparer de ce nouveau son, comme DJ Gregory. Dans un registre plus disco traditionnelle, le label Rotax propose aussi des maxis fort intéressants !
C’est quoi la nu-disco ?
L’article de wikipedia m’a pas mal tracassé et il m’apparaît important de définir les contours de la nu-disco, en tout cas l’originelle du début des années 2000 (pas d’avis sur les productions ultérieures). Pour moi Metro Area sert de référence sur l’approche.
La nu-disco est avant tout un style instrumental et s’inscrivant dans la musique électronique de club des années 90/2000. Un peu plus pop que d’autres styles contemporains, elle apprécie cependant les longs développements instrumentaux où un certain minimalisme est de rigueur. Les synthétiseurs analogiques sont à la fête de même que les effets sonores vintages comme les reverbs (spring par exemple) ou les delays (echo tape).
Son rythme est souvent légèrement plus lent que la house traditionnelle et les producteurs mettent l’accent sur des mélodies mélancoliques. Il y a des samples mais ceux-ci ne sont pas mélodique (à l’inverse de la disco house ou la house filtrée), ce sont généralement des boucles rythmiques (avec pied, caisse claire etc.) pour donner un feeling organique aux morceaux. Les musiciens mêlent alors avec délicatesse ces samples à des programmations ou des instruments joués (percussions par exemple). L’ensemble donne alors une impression organique vraiment distincte de la house ou la techno. Paradoxalement, la nu-disco est un véritable produit de son époque, permit par les avancées du home studio et la culture des maxis et labels de musique électronique. Les producteurs piochent aussi leurs influences dans la disco originelle mais également l’italo, la techno, la synth-pop, la house, le boogie.
En photo: Daniel Wang, une photo récente !
01 – Metro Area “Miura” (USA, 2001)
Démarrons en beauté avec les rois de la nu-disco, le duo new yorkais Metro Area. La nu-disco c’est ça ! Miura est une merveille toujours aussi somptueuse, élégante et mystérieuse vingt ans plus tard.
02 – Lindstrøm “I Feel Space” (Norvège, 2005)
Peut-on trouver un morceau plus emblématique du son nu-disco des noughties qu’I feel Space de Lindstrøm ? Le Norvégien signe un classique instantané avec cette épopée disco instrumentale, à quelques encablures de la space disco, notamment de Moroder. Un morceau émouvant, épique, somptueux qui, vingt ans plus tard, n’a pas pris une ride !
03 – Daniel Wang “24 to Vector Z” (USA, 2001)
J’ai choisi d’illustrer cet article avec une photo de Daniel Wang car Idealism est pour moi un des albums classiques de la nu-disco new yorkaise. Sorti sur Environ (le label de Metro Area), il exprime les inspirations de son époque. Le musicien nord-américain a alors déjà presque une dizaine d’années de maxis derrière lui sous son propre label: Balihu.
04 – Chicken Lips “He not in” (UK, 2000)
Nu-disco or not ? Le débat est lancé pour Chicken Lips. Les Anglais (ex-Bizarre Inc) qualifiaient volontiers leur musique de disco dub mais il y a clairement des accointances entre leur musique et celles des autres suggestions de cette playlist. He Not It est un véritable tube underground du début des années 2000. Ce morceau partage beaucoup avec les autres titres ici présents, notamment une ligne de basse synthétique magnifique et un usage immodéré du delay ! Andy Meecham a également monté le projet The Emperor Machine, toujours actif.
05 – DJ T. “Philly” (Allemagne, 2003)
Philly de DJ T. (et co-produit par le duo Booka Shade) est clairement un morceau conçu pour être placé dans un mix plutôt qu’écouter dans un cadre domestique. Il n’empêche que ce single, publié par le mythique label Get Physical Music, a tout d’un classique nu-disco ! L’Allemagne est alors en pointe sur ce genre musicale avec le dit label et ses têtes d’affiches, notamment M.A.N.D.Y et les susnommés Booka Shade et DJ T.
06 – Holy Ghost! “Hold On” (USA, 2007)
Faut-il considérer DFA comme un label nu-disco ? Ne poussons peut être pas le bouchon aussi loin mais il y une évidente proximité entre les cliques Environ (Metro Area et Daniel Wang) et DFA (LCD Soundsystem, Raptures etc.). Bien sûr le catalogue de DFA est généralement assez rock (et donc punk funk !) mais il y a aussi des pures incursions nu-disco comme l’excellente Hold On d’Holy Ghost!, un maxi fantastique !
07 – Todd Terje “Eurodans” (Norvège, 2005)
Robbie Williams s’est semble-t-il pas mal inspiré d’Eurodans pour son single Candy. Todd Terje apparaît d’ailleurs dans les crédits du tube du Britannique ! Néanmoins ce morceau de 2005, moins connu qu’Inspector Norse a un charme tout particulier et garde toute sa fraîcheur 20 ans plus tard.
08 – Prassay (DJ Gregory) “Krvsin” (France, 2002)
L’incursion de DJ Gregory pourra également faire débat. Reste que sa production de cette période (début des années 2000) est largement marqué par la disco mais avec une approche abstraite plus proche des musiques électroniques contemporaines. Je pense que le musicien a été beaucoup marqué par l’album de Metro Area et s’est proposé d’y répondre avec des morceaux comme Krvsin (2002, sous l’alias Prassay) ou Solaris (2004). Il me semble qu’à l’époque sa musique a aussi été qualifiée de nu-disco et pour moi elle en porte aussi clairement les caractéristiques ici par exemple (peut être un peu trop rapide mais pour le reste on y complètement).
09 – Aeroplane “Caramellas” (Belgique, 2007)
Aeroplane est à l’origine un duo belge. Depuis 2010, derrière ce pseudo se cache Vito de Luca, tandis que son compère Stephen Fasana œuvre sous le nom de The Magician. Publié en 2007, le premier maxi du groupe contient l’excellent Caramellas, un titre nu-disco très réussi. Le groupe est notamment très connu pour son remix de Friendly Fires, Paris en compagnie d’Au Revoir Simone.
10 – Prins Thomas “Goettsching” (Norvège, 2005)
Finissons cette sélection par le dernier des trois mousquetaires norvégiens: Prins Thomas. Sur Goettsching nous retrouvons d’ailleurs son camarade Todd Terje. Le morceau fait évidemment référence au musicien berlin school Manuel Göttsching, auteur du classique E2-E4, une pièce historique pour la musique électronique, samplée notamment sur le mémorable morceau Sueño Latino du groupe du même nom. Ce titre explore des influences techno/Detroit pour un rendu vraiment beau.
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