Le 24 octobre dernier, le site Stratégie publie une tribune en faveur de la presse musicale. Je vous propose aujourd’hui un commentaire dessus et des remarques plus générales sur la presse musicale, son rôle possible etc.
Le contenu de la tribune
La presse musicale est en danger. L’augmentation du prix du papier est le dernier événement en date d’un domaine touchée par de nombreuses crises: crise du disque (et donc des annonceurs), montée en puissance du numérique, diminution des points de vente, diminution des lecteurs etc.
La tribune rappelle l’importance de la presse musicale dans le paysage français notamment dans le développement d’artistes ou pour le défrichage de l’actualité. Elle alerte sur la disparition possible de ce secteur d’activité sans une intervention étatique.
Celle-ci pourrait prendre plusieurs formes. Par exemple, l’état pourrait intégrer la presse musicale dans le passe culturel (bonne idée). Elle demande aussi (évidemment) d’être intégrée au système de subventions, comme le sont la presse nationale d’informations ou la PQR.
Elle demande aussi à la filière musicale subventionnée (heureuse précision !) d’intervenir en achetant par exemple des espaces publicitaires dans les titres.
les auteurs de la tribune
La tribune est signée du CEPM pour Collectif des Editeurs de la Presse Musicale française. Celui-ci regroupe un certain nombre de titre de presse parmi lesquels: Tsugi, Jazz Mag, (feu) Trax, Soul Bag, New Noise, les Inrocks, Rolling Stone, Longueur d’Ondes etc. Je note deux absents notables: Magic et surtout Rock & Folk.
la perte de la presse musicale française serait dramatique
J’ai fait une grande partie de ma culture musicale grâce à la presse écrite pendant de nombreuses années. J’ai emprunté les Hard Force de mon père, à l’adolescence j’achetais tous les numéros de Trax Mag. J’ai aussi lu la presse dédiée à la production (Keyboard, Future Music, Computer Music). J’ai été abonné à Magic et je lis encore régulièrement Rock & Folk.
Ma passion pour la musique doit énormément à la presse musicale, en particulier française. Elle m’a aidé à construire mes goûts et à me forger une culture. Je suis souvent agréablement surpris en feuillant des vieux numéros de Trax. On y évoque Marc Moulin, des djs mythiques comme Larry Levan ou le Loft de David Mancuso etc. La presse musicale est un formidable outil de passeur !
Le texte le rappelle à juste titre: il est important d’avoir des alternatives aux algorithmes de spotify et cie. La presse musicale a un rôle de filtre, de passeur et de commentateur du temps présent. Ce rôle est très utile. Idéalement elle devrait aussi avoir un rôle de défrichage.
Pourquoi le lectorat a diminué ?
Je pense que le lectorat a vieillit et une partie a de nouvelles préoccupations (une famille etc.). Le public plus jeune n’a pas suivi et n’a pas acquis le réflexe de s’informer via la presse musicale. Il le fait essentiellement par les réseaux sociaux. Beaucoup de titres se sont retrouvé coincés entre le besoin de conserver le lectorat existant et en recruter un nouveau. Ce n’est pas sans heurts. Il suffit par exemple de constater la politique de couverture de Rock & Folk: celle-ci se partage entre figures patrimoniales du rock et quelques artistes plus récents. Pour en avoir discuté avec les intéressés: les couvertures ont une importance sur les ventes et les jeunes font moins vendre.
Le numérique concurrence aussi nécessairement la presse écrite. Il existe de nombreux sites internet pour s’informer sur la musique. Ces derniers ne sont pas tributaire de la place à l’inverse de l’écrit. Cette concurrence pour la place est à la fois positive et négative pour la presse écrite. Elle oblige à moins tergiverser, à canaliser et épurer son écriture, mais le risque est aussi de laisser sur le bas coté les sujets les moins vendeurs. Pourtant ce sont eux qui représentent la réelle plus valu de la presse musicale. Sans sujets en dehors des sentiers battus pas d’intérêt à payer pour accéder à de l’écrit. De plus ce contenu supplémentaire a aussi un coût de production humain que les structures ne sont plus en mesure d’assumer.
Bref la presse musicale est prise en étau par le lectorat et la place dont elle dispose. La solution semble presque insoluble.
Les subventions: une réponse à la crise de la presse musicale ?
De mon point de vue non. Je ne suis pas très amateur du principe de subventions. En musique elle crée une distorsion entre les structures qui peuvent en bénéficier et les autres. Bien sûr, c’est ouvert à tout le monde mais vous savez aussi bien que moi que c’est complètement opaque et des usines à gaz. Ce sera pareil pour la presse musicale. Les critères d’éligibilités créeront des différences injustes entre les différents acteurs. D’ailleurs pourquoi cela devrait concerner que l’écrit papier ? Cela ne risque-t-il pas de créer une parole étatique et restreindre encore la diversité d’opinion ? Pour donner un exemple: les subventions pourraient être assorties d’obligations de parler d’artistes eux même subventionnés (et donc exclure encore plus les autres!). Surtout, est-ce que les subventions vont régler la profonde crise dans laquelle se trouve la sphère ?
Quel modèle économique ?
Comment amener les gens à accepter de payer (même un montant raisonnable) pour avoir accès à un contenu spécifique ? c’est probablement la seule manière de répondre à la question. L’état ne peut pas se substituer à ce raisonnement. La récente crise à bandcamp suggère de la difficulté d’établir un autre modèle (quoi que celui-ci semblait fonctionner !). La presse musicale (papier ou internet) ne peut pas non plus être uniquement dépendantes des annonceurs au risque de ne plus intéresser le lectorat. Elle pâtît d’ailleurs encore aujourd’hui des excès d’hier en la matière (les achats de couvertures, les chroniques flatteuses de complaisance etc.).
être optimiste
Je pense qu’il existe un besoin pour du défrichage de qualité. Tout le monde n’est pas prêt à le payer mais il y a une minorité qui ne demande que ça. Beaucoup de gens sont aujourd’hui des orphelins de la presse écriture et naviguent à vue en ne demandant qu’à pouvoir embarquer quelque part. Peut-être prendre un peu plus de recul ? Faire d’avantage de contenu pédagogique ? ou revenir aux fondamentaux: être un guide d’écoute. Cela peut sembler inutile à l’heure de spotify et pourtant ! Il existe une infinité de sorties chaque semaine, comment faire le tri là dedans et découvrir les merveilles qui s’y cachent ? Cela n’a vraiment rien d’évident et la presse musicale pourrait avoir un véritable rôle de défrichage à défendre. Peut-être faut il être d’avantage subjectif et creuser plus loin ? C’est peut-être illusoire et naïf, en tout cas je serai preneur de ce genre de presse musicale personnellement et ravi de m’abonner à un titre qui me fait découvrir des disques que j’aime.
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