OPINION: Poptimisme, la victoire des brutes

Il y a presque quatre ans, j’écrivais un article sur Section 26 à propos du poptimisme. L’actualité récente suggère, encore et toujours, que certaines de mes réflexions s’approchaient de la réalité. La semaine dernière, Twitter s’est embrasé autour de The Good The Bad and The Ugly (1966) de Sergio Leone. En cause ? Un utilisateur de tik-tok reproche à l’acteur Austin Butler de l’avoir cité comme son film préféré quand il était petit. Ainsi ce classique populaire du cinéma est vu comme trop élitiste, snob, obscur: un comble !

poptimisme

Sans paraphraser mon texte de 2020, le poptimisme est devenue une nouvelle forme d’idéologie, toute aussi nocive que les précédentes itérations. Plus que jamais, ce dogme entraîne des comportements de brutes sur les réseaux sociaux. Quelques rappels: le poptimisme conteste toute forme de hiérarchie des goûts et rejette la culture classique vue comme bourgeoise et classiste. De fait, elle donne un blanc-seing à toutes personnes refusant d’être curieux et de s’intéresser à des œuvres culturelles en dehors de leur zone de confort. Bref, selon le poptimisme c’est OK de détester et mépriser des oeuvres considérées comme exigeantes ou relevant de la culture bourgeoise classique.

Le bon, la brute et le truand

Le cas présent en est une parfaite représentation ! Le Bon La Brute et le Truand est certes un classique du cinéma populaire des années 60, un western de surcroît, mais il a l’énorme défaut pour certains penseurs contemporains d’être assez ancien et réalisé par un Italien ! Est-ce qu’aimer un film non américain et non contemporain est une forme de snobisme ? Rappelons déjà une évidence: que ce soit la musique, le cinéma ou la littérature, les créateurs cherchent souvent une forme d’universalisme des sentiments ou messages. Bref, même hors contexte (époque, pays), il doit être possible de percevoir les émotions ou l’énergie.

un discours inquiétant

Ce refus d’être curieux, accompagné d’une certaine agressivité (ou du moins d’un rejet de l’altérité) peut légitimement inquiéter. Le poptimisme se double ainsi souvent d’une éloge de la force, celle des vainqueurs et brutes. Comme le goût est nécessairement subjectif (selon les poptimistes), alors seul les chiffres (d’entrées, de streams etc.) permettent d’évaluer objectivement une œuvre. Ces arguments sont ensuite repris en cœur par les stans et d’autres pour refuser aux autres toutes critiques des artistes qu’ils défendent. Dans ma timeline twitter a ainsi surgit un débat autour de Jul. Des amateurs de la star phocéenne n’acceptaient pas que l’on puisse critiquer la musique de Jul et réutilisaient à leur avantage le discours du poptimisme. Ne pas aimer le Marseillais devient ainsi classiste et surtout tu n’as pas le droit de donner ton avis car: les goûts ne discutent pas. L’échange est ainsi refusé aux autres.

l’enfer est pavé de bonnes intentions

Il n’y a pas que du mauvais dans le poptimisme. Initialement, élargir le spectre de ce qui est valide culturellement était une démarche très positive. Cependant, aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, une autre forme de poptimisme a pris le dessus. L’acceptation et la tolérance ont été ainsi remplacées par une absence de curiosité portée en étendard. Ce refus de toute forme d’exigence (en terme d’investissement de la part du consommateur) est une pente dangereuse. Sommes nous que des récepteurs à contenus ? N’y a-t-il pas autre chose à attendre de l’art dont la confrontation ? Comme je le signalais dans mon texte de 2020: ces gens oublient que la culture classique était aussi émancipatrice ! Se confronter à d’autres esthétiques enrichit l’expérience de l’existence et nous aide à affiner notre vision, dans un sens comme dans l’autre. Le progressisme réside certainement dans la défense de la pluralité des opinions et des œuvres, pas dans la revendication du rétrécissement du socle culturel au nom des classes populaires (qui ne l’ont pas demandé).

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