Souvent appelée bootleg la contrefaçon est une problématique à laquelle vous serez confronté si vous collectionnez les vinyles. Ils sont présents chez les disquaires, y compris les chaînes ayant pignon sur rue, comme en conventions. Je vous propose un texte pour vous aidez à y voir plus clair et avoir le choix de décider en âme et conscience plutôt qu’en acheter sans le savoir !
Bootleg ou contrefaçon ?
Le terme bootleg devrait en principe être réservé à un type particulier de disques: des sorties non légitimes d’artistes qui n’existent pas dans la discographie officielle. Sans entrer dans les détails (j’y reviendrai un jour !): dans les années soixante la demande pour des inédits de groupes connus était telle que des petits malins ont commencé à commercialiser des lives enregistrés sous le manteau, des sessions de radio ou même des inédits de studios ! Le contenu d’un bootleg est ainsi en principe inédit. Dans les faits, la majorité des gens (y compris moi) l’utilise pour parler de tous les disques non officiels.
un disque non officiel
Les contrefaçons sont donc des pressages qui ne sont pas réalisées par les labels détenant les droits et sans l’accord de l’artiste (s’il est nécessaire). Ces contrefaçons remplissent souvent une demande existante. Cela peut être un pressage vinyle d’un album uniquement sorti en CD, d’un album plus disponible depuis longtemps ou simplement une alternative moins chère à la réédition officielle. Un cas récent connu connu concerne le pressage de Blond de Frank Ocean. S’il a été réédité en 2022 (et publié en vinyle à la sortie en 2016), ce sont surtout des contrefaçons qui circulent. Internet s’est d’ailleurs pas mal mobilisé pour identifier les différences (reddit). Led Zep’, Neil Young, Minnie Riperton, Idris Muhammad ou des obscurités comme les Sinners, personne n’échappe au phénomène !
en quoi la contrefaçon est un problème ?
Sur le plan légal vous connaissez la réponse (c’est évidemment un problème!) mais au delà de ça. Si vous achetez une contrefaçon voici ce qui peut être embêtant pour vous:
- impossible de le revendre sur discogs et cie.
- aucune certitude sur la qualité de la source sonore.
Dans un soucis de devenir un acteur légitime et crédible dans l’industrie du disque, discogs mène désormais la chasse aux contrefaçons sur son site et en bloque la vente. Cette chasse est assez aléatoire je pense. De nombreux disques passent entre les mailles du filet tandis qu’on peut argumenter que d’autres ne sont pas nécessairement des contrefaçons (on va y revenir).
Si vous achetez un vinyle vous voulez vivre l’expérience au mieux. Les contrefaçons ne proviennent pas toujours (pas souvent même) des meilleurs sources sonores disponibles. Faites à partir d’un CD, d’un Needle drop (un vinyle sert au transfert) ou même de mp3, vous pouvez avoir de mauvaises surprises ! Malheureusement, un label officiel n’est pas toujours une garantie de qualité, certains sont même réputés pour le peu de soin apporté. Je vous laisse par exemple apprécier les commentaires sur la page du label de réédition (légitime) 4 Men With Beards sur discogs. Au delà même de certains labels spécialisés, des majors font aussi parfois un travail de cochon. J’ai par exemple le premier Jacques Dutronc chez Sony: bonne source sonore mais des problèmes de contrôle qualité de l’usine de pressage des scans vraiment médiocres pour les visuels notamment le macaron. On dirait presque une contrefaçon !
Une zone grise
A priori il semble simple de définir un disque légitime d’un autre. Dans les faits il existe une zone grise non négligeable. Les contrats dans la musique sont pareils que dans tous les autres domaines: pas infaillibles et sans défauts.
Les lois ne sont pas les mêmes selon les pays. En Union Européenne par exemple, les droits voisins sont dans le domaine publique après 70 ans. Vous pouvez donc rééditer légalement un disque paru il y a plus de 70 ans sans avoir à demander d’autorisation spécifique. Il vous faudra juste payer la SACEM et respecter le droit moral (qui lui est inaliénable). Cette règle a été modifiée il y a une dizaine d’années quand les labels anglais se sont rendus compte que les Beatles ou les Stones allaient être dans le domaine public (pour les droits voisins) ! Aujourd’hui, en UE, tout disque sorti jusqu’à 1962 inclus peut être réédité sans avoir à clearer avec le propriétaire des masters originaux (et c’est une bonne chose). Ces disques sont ainsi légaux en Europe mais illégaux aux Etats Unis où les règles sont différentes.
De fait, certains labels de rééditions semblent avoir pignon sur rue mais laissent soupçonner une certaine souplesse avec la législation. L’exemple du label Survival Research me vient à l’esprit. Si le label est officiellement australien, il me semble plus probable qu’il soit installé quelque part en Europe compte tenu des prix (corrects) qu’il pratique. J’ai du mal à imaginer qu’une sortie australienne puisse arriver en disquaire à 20 euros ! Au delà de mon interrogation, les utilisateurs de discogs se posent les mêmes, compte tenu de l’adresse fictive ou du manque d’information sur les licences. D’ailleurs certaines de leurs sorties sont considérées comme des contrefaçons.
Autre élément de zone grise: l’impossibilité de retrouver les ayants droits. Pour certains artistes il est presque impossible de retrouver les ayants droits et donc de clearer avec eux les morceaux à cause de l’époque éloignée ou du lieu d’origine du disque. Allez retrouver des ayants droits iraniens des années soixante par exemple ! Parfois on peut aussi retrouver l’ayant droit et celui-ci peut créer des situations ubuesques. Sylvain Krief a par exemple travaillé avec deux labels pour rééditer le disque mythique de Rupture. Le premier (Diggerdigest) accuse le second (Guerssen/Sommor) d’avoir fait une contrefaçon. Le deuxième a pourtant , vraisemblablement, fait un contrat avec Sylvain Krief et se révèle donc de bonne foi. Tout le débat est disponible sur la page discogs de la réédition.
Quelques astuces pour identifier les contrefaçons
Il n’y a malheureusement pas de règles infaillibles pour les débusquer et elles se trouvent partout. Faites un tour dans une grande enseigne qui achète pour les cadres et vous trouverez sûrement quelques sorties dont la légitimité interroge franchement.
Voici quelques astuces qui me semblent plutôt pratiques pour identifier une contrefaçon:
- regarder ce qu’en disent les utilisateurs sur discogs
- l’allure générale de la sortie (qualité des scans, soin général)
- il y a-t-il un label qui s’affiche de manière claire quelque part ? (autre que le label d’origine sur un scan par exemple)
- information sur la réédition sur la couverture (par exemple des mentions sur les droits au dos)
- présence de stickers annonçant la nature de la réédition
- prix du disque
Pour les stickers, un dernier conseil: la présence d’un sticker 180g doré n’est pas du tout une garantie d’avoir un pressage légitime ! C’est même souvent assez mauvais signe selon moi.
conclusions
C’est à chacun de se faire une opinion sur le sujet. Vous ne risquez pas grand chose à en posséder mais cela peut être compliqué de les revendre – et vous exposer à des problèmes plus sérieux avec la loi ! Pour moi il faut en tout cas pouvoir acheter en ayant conscience de la nature de ce que vous achetez. Soyez attentifs et bons achats !
bonjour. Commentaire intéressant sur ces contrefaçons. je partage les réserves sur la façon de de les identifier. Sur l’état de la pochette l’absence de traces d’usures ne constituent pas une preuve qu’il s’agit d’une contrefaçon. les vinyles que j’ai acheté dans les années 70 sont comme neufs et sont pourtant des originaux. Sur les détails de l’impression de la pochette et du rond central, il faut avoir entre les mains l’original pour identifier les différences. On peut toutefois réunir un faisceau de présomptions comme: la gravure du numéros du vinyle près du rond absent ou avec peu de chiffres et de lettres, une pochette intérieure trop blanche qui colle au disque, un prix trop bas par rapport à la cote, une pochette, si elle est blanche, qui n’a pas légèrement jauni et surtout l’endroit ou on l’achète. Dans les foires des marchands peu scrupuleux vendent des bootleg mais aussi des contrefaçons sans le dire, ce qui constituent une fraude. Mais il n’y a pas de parades car certains disques contrefaits ont des pochettes usagées ce qui dans un premier abord peu mettre en confiance l’acheteur. En résumé, achetez sur les foires les vinyles dont vous êtes sur de l’authenticité et achetez les occasions chez votre disquaire habituel et lui ramener en cas de doute.
Salut Vincent !
tout à fait OK sur tes remarques
cela n’a rien d’évident d’identifier les contrefaçons “en contexte” , le mieux c’est de checker la matrice et l’allure générale du disque
cependant même la matrice ne protège pas car certains disques ne sont pas nécessairement identifiés comme des contrefaçons sur discogs mais sont néanmoins “douteux” dans les faits