Lundi cinq février 2024, deux actualités se sont croisées dans mon fil twitter et m’ont donné envie d’écrire sur les fameux stans, voici quelques pensées en vrac sur le sujet.
C’est quoi les “stans”
Les stans sont la frange des fans la plus mobilisés autour d’un artiste, chanteur, acteur etc. Certains stans sont particulièrement bien organisés, notamment sur les réseaux sociaux. Parmi les stans connus, il y a les amateurs de K-pop et notamment du groupe BTS. Dans le cinéma mentionnons aussi les amateurs de Star Wars ou du MCU. Ces stans suivent l’actualité de leur artiste au plus près et n’hésitent pas à se mobiliser, notamment quand des journalistes soulèvent des questions ou des critiques.
L’actualité du 5 février
Encore une fois, les Grammys ont donné lieu au lot de polémiques (stériles) habituelles. Cette fois-ci ce sont des fans de Travis Scott qui estiment que leur poulain a été traité injustement par le jury et que Killer Mike n’aurait pas du recevoir la distinction d’album de l’année rap. Ils s’en plaignent massivement sur twitter et n’acceptent pas ce choix. Voici quelques tweets: “C’est un buzz organisé c’est bizarre ce hasard. On commence à avoir des industry plant dans le rap.” ou “Killer Mike gagne le Grammy du meilleur album rap de l’année !!! Pas de Travis ni Metro Boomin, c des fous“.
des questions
Pourquoi le jury des grammys devrait se plier à la dictature des fans ? Est-ce que c’est systématiquement l’artiste le plus populaire qui doit gagner une catégorie ? Dans ce cas là est-ce que ça a un intérêt de faire des récompenses si celles-ci sont déjà connues à l’avance ? Peut-on apprécier quelqu’un sans se sentir obligé d’en dénigrer d’autres ? Est-ce qu’il faut considérer que quelqu’un qui a une opinion différente de la sienne est un mauvais journaliste ?
la toxicité de certains stans
Il faut l’écrire: il y a des personnes toxiques dans les stans. Il existe un monde dans lequel les gens ont en rien à faire de certains artistes ou films. Ce n’est pas grave, c’est même normal ! Tout le monde a le droit d’aimer ou ne pas aimer un artiste ou un film. On a aussi le droit de s’exprimer dessus quand bien même ce n’est pas une opinion solide.
Certains stans créent ainsi un environnement où les journalistes ne se sentiront pas à l’aise d’exprimer des opinions qui pourraient déplaire au sujet de certains artistes. Ces opinions n’ont même pas besoins d’êtres controversées ou indignes, parfois il suffit juste qu’elles soient nuancées.
Il est légitime de vouloir défendre un artiste quand celui-ci est injustement méprisé ou déconsidéré, pour autant il est normal d’avoir des points de vue différents sur des œuvres culturelles. Tout le monde n’a pas à aimer ou défendre une œuvre sous prétexte qu’elle est très populaire. C’est un choix individuel. Nous avons aussi le choix de ne pas tenir compte d’une opinion qui nous déplaît et de passer à autre chose.
stans et poptimisme
Quand j’étais adolescent (dans une autre vie donc), il était courant de voir les gens se moquer des fans, par exemple des boys bands. Il est indéniable qu’il y avait de la misogynie et de la violence là dedans.
On a passé les 10/15 dernières années à démonter l’idée de rockisme et d’une culture officielle portée par quelques voix. Cette remise en cause a été initialement enrichissante mais est devenue à son tour une idéologie néfaste et destructrice.
En considérant que les œuvres ne devaient plus être hiérarchisées et critiquées, nous avons laissé la place à une autre forme de validation qui ne peut être remise en cause: celle du public. Le poptimisme c’est ça: accompagner par les mots une validation à travers les chiffres d’écoute.
Une œuvre culturelle peut pourtant être essentiel tout en étant souterraine. À l’inverse, une œuvre populaire peut aussi perdre de son attrait avec les années (il n’y a pas de règle). L’analyse des années 60/70 donne d’ailleurs de nombreux exemples de réhabilitation postérieure et d’oublis. Des Love, Zombies, Velvet Underground sont réhabilités par la critique, quand des Ballad of the Green Berets ou des Lieutenant Pigeon naviguent dans un certain anonymat.
Le film avec le plus d’entrées en 1970 en France est Le Gendarme en balade ! Devant des classiques comme La Nuit des Morts Vivants, Peau D’Âne, Le Cercle Rouge, Dernier Domicile Connu ou le documentaire sur Woodstock. En 2003, Taxi 3 a fait plus d’entrées en France que: Gangs of New York, Arrête Moi Si Tu Peux, Kill Bill Vol. 1, Goodby Lenin, etc.
Je pense que le rôle de la critique culturelle c’est aussi de défendre et donner de la visibilité à des œuvres moins accessibles. Il faut aussi avoir la possibilité d’offrir un autre regard sur des œuvres très populaires. C’est d’autant plus important que nous sommes à la merci des algorithmes et qu’il existe une profusion d’œuvres sur les plateformes de streaming.
Il n’y aucun problème à être stan et aimer profondément un artiste. Je suis plus gêné quand certaines personnes estiment que tout le monde doit penser comme eux, détiennent une vérité et cherchent à l’imposer aux autres. L’art est un exercice éminemment subjectif. Quand bien même une œuvre devient très populaire: doit-elle être universellement aimée et défendue par tous ?
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